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MARCELINES DESBORDES-VALMORE

pierre vêtus de peaux blanches et coiffés de chapeaux blancs aussi ; enfin, dans une masure, le crieur de nuit et sa cloche regrettaient leur office aboli par le régime nouveau.

Du jour où le mouvement d’émigration s’était déclaré, Félix Desbordes avait vu s’éloigner son gagne-pain, représenté par ces berlines dont on se préoccupait d’enlever les écussons, bien plus que de les faire repeindre.

Telle était la précipitation des nobles que les administrateurs du district, inquiets des émigrations dont le nombre allait croissant, décidaient, au mois de janvier 1792, d’établir un poste de gardes nationaux à chacune des portes de la ville, pour y veiller jour et nuit.

Mais cette précaution tardive n’empêchait pas le maître-peintre de chômer dans la force de l’âge — trente-neuf ans — et avec sept bouches à nourrir ! Encore ne comptait-il pas son frère Constant-Marie, de dix ans plus jeune que lui, revenu de Paris à Douai au lendemain de la prise de la Bastille, et sans ressources également.

Ce frère, baptisé en l’église Notre-Dame le 1er février 1761, ayant montré de bonne heure des dispositions pour le dessin, Félix ne s’en était pas tenu à l’élever ; dès l’âge de seize ans, il l’avait envoyé à Paris et placé dans l’atelier du peintre Nicolas Brenel, un des premiers maîtres de Gérard, avec lequel Constant Desbordes travailla par la suite.

Que serait devenue la malheureuse famille, en