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MARCELINE DESBORDES-VALMORE

avait achevé le talent commencé par la passion. »

Secourable est de trop…, à moins que Villemain n’ait voulu marquer que les Académies peuvent donner quelquefois des bons de pain, mais qu’elles ne sont pas faites pour donner des bons de gloire.

Les dernières lettres de Marceline à son frère sont parmi les plus affligeantes. Quand elle lui dépeint « les embarras fiévreux où elle tourne silencieusement pendant deux mois sur trois », on devine que la vieille éponge d’hospice, geignante ou narquoise, n’en croit pas un mot. On le devine d’après celle réponse de l’indigence sollicitée :

Je trouve ta lettre à mon retour d’un voyage à Rouen, l’un des plus tristes de ma vie. J’y ai été appelée pour tâcher d’adoucir et d’arranger de grands désastres… (la malheureuse avait à donner de la tête et de la bourse de ce côté-là aussi !) J’ai été regarder avec terreur au fond de leurs peines… et je reviens brisée de corps et d’âme, reprendre le cours de mes travaux et de mes devoirs. Ce voyage a nécessité quelque argent. Ma richesse, comme tu l’appelles, est évanouie, à part même cet incident, comme le sable au vent. J’ai reçu deux mille francs d’un bienfait providentiel ; j’en devais six, j’en dois quatre encore… Nos pauvretés sont étouffantes, depuis quatre années de ruine absolue… Je t’écris ces vérités sérieuses pour t’éclairer d’un doute où tu flottes toujours, mon bon frère.

Je t’envoie ce que je peux, comme une caresse de sœur.