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MARCELINE DESBORDES-VALMORE

te laisser si pauvre ! » lui écrit-elle en s’excusant de différer un envoi d’argent.

C’est à lui qu’elle raconte ses chagrins : la mort foudroyante de Mlle Mars et la mort de Martin du Nord, qui l’ont, tous les deux, souvent secourue ; l’attente où se morfond Valmore d’un emploi dans l’administration… de la Comédie-Française, toujours ! Et puis, les mauvaises nouvelles qu’elle reçoit de Rouen où ses beaux-frères se débattent, eux aussi, contre l’adversité, ont dix bouches à nourrir et ne gagnent même pas « l’eau du ciel ! » ; l’impossibilité pour un écrivain de trouver vingt francs d’un volume, « dans l’effroyable misère et l’effroyable luxe qui absorbent tout » ; la nécessité où ils sont, enfin, « d’emprunter à l’avenir l’humble vie qui les soutient ».

Février ne perce qu’un moment les nuages. Mais quel rayon de soleil ! Tout un peuple debout, ivre d’harmonie, de République et de confiance ! Une fraternité universelle qui faisait dire à Marceline, quand on lui demandait si elle avait vu passer les vainqueurs, populace aux bras nus, noire et belle comme l’enfant qui s’est barbouillé en jouant :

— Oui, je les ai vus, ces chérubins !

C’était comme le retour d’un printemps d’insurrection, celui de Lyon en 1831. Et Marceline refleurissait d’espérance avec lui !

Elle écrit à son frère :

L’orage était trop sublime pour qu’on eût peur ; nous ne pensions plus à nous, haletants devant ce peuple qui