Page:Descaves - La Vie douloureuse de Marceline Desbordes Valmore.djvu/262

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
240
MARCELINE DESBORDES-VALMORE

jusque dans tes larmes. Songe donc ! des larmes pures ! Celles-là ne tombent pas, chère aimée : elles remontent. J’ai passé deux heures à lire les vers, l’autre nuit. Mon cher trésor, qu’ils sont bien et purs ! Je les ai lus à la Vierge avec mes larmes… Mes bras s’allongent pour te serrer, chère fille… Dorlotte ta santé et la mienne… Dis-moi si tu engraisses, chère mignonne… As-tu bien chaud ? Prends garde à moi, ma fille, et couvre-moi bien…

Ce dernier trait surtout indispose. On y entend trop l’écho du : « J’ai mal à votre poitrine » de Mme de Sévigné.

Mais Marceline, qui n’a pas lu, sans doute, Mme de Sévigné, écrit comme celle-ci à bride abattue, moins bien, parce qu’elle est moins lettrée, mais avec les mêmes trouvailles d’expression dans l’abandon. (Le résultat ne fut guère différent, d’ailleurs, au point de vue éducatif ; Ondine est une précieuse dans le genre de Mme de Grignan.) Il n’est pas moins vrai que la va-comme-je-te-pousse, c’est réellement Marceline, qui ne reçoit jamais d’impulsions que de son cœur. Il faut d’autant moins le regretter que, plus savante ou plus artiste, elle serait moins poète.

Mme Valmore perdant sa fille ne se comporta point, en tout cas, comme le parnassien qui disait aux obsèques de son fils : « Il faut pourtant que je fasse quelques vers pour cet enfant ! »

Sa grande douleur à elle fut muette sur le coup.

« Je desserre mon cœur en t’écrivant », dit-elle à son mari. Et c’est vrai. Elle le desserre seule-