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LA MÈRE

chose qu’elle croit capable de suppléer une activité paralysée : son nom.

Que mon nom ne soit rien qu’une ombre douce et vaine
Qu’il ne cause jamais ni l’effroi, ni la peine ;
Qu’un indigent l’emporte après m’avoir parlé
Et le garde longtemps dans son cœur consolé !


Elle ne se contentait pas « d’entrer mieux que personne dans ce que les autres souffraient », avec quel sentiment exquis des nuances elle y entrait ! Pour plaindre son amie Pauline, par exemple :

Elle n’a plus pour toute fortune qu’un talent charmant, mais qui ne lui donne pas même du pain. J’aurais honte de me compter auprès de telles infortunes, car elle a été bien riche, et moi toujours pauvre. Quelle différence !


Elle avait trouvé, d’ailleurs, dans le poète persan Saadi, à qui elle doit une de ses plus fraîches inspirations, un apologue traduisant son merveilleux instinct de charité.

Un pauvre oiseau jeté à "terre et roulé dans le vent d’orage, fut relevé par une créature charitable et puissante, qui lui remit son aile malade, comme eût fait Dieu lui-même ; après quoi, l’oiseau retourna où vont les oiseaux, au ciel et aux orages.

Le guérisseur n’ouït plus parler de lui et dit : — La reconnaissance, où est-elle ?

Un jour, il entendit frapper vivement à sa fenêtre et l’ouvrit. Dieu lui répondait. L’oiseau lui en ramenait un autre blessé, traînant son vol et mourant.