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LA JEUNE FILLE

Hélas ! si tu savais… Que son poids est terrible !
Que nous répondraient-ils ! Mais ils sont déjà loin !…
… J’ignorerai son sort, on m’y croit étrangère ;
Et près de sa demeure, et si triste, et si chère,
Personne, excepté vous, n’aurait guidé mes pas ;
Quand j’expire à sa porte, on ne m’y connaît pas ;
Pourquoi souffriraient-ils de ma lente agonie ?
Dans la foule perdue, oh ! ma chère Eugénie,
Nous croyons l’univers instruit de nos douleurs,
Et même aux cœurs heureux nous demandons des pleurs !

. . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Ma sœur, obtiens des cieux qu’ils lui rendent la vie,

Après, tu me diras qu’il faut encor le fuir.

Il guérit. Il n’y a qu’elle dont le mal soit incurable. Mais Délie s’est juré d’y remédier et se pique au jeu. Aussi bien, elle s’exagérait les difficultés à surmonter. Le prestige du théâtre avait renouvelé son miracle sur le voyageur et le convalescent. Il avait quitté Marceline encore endolorie, petite reine non pas détrônée, mais déchue. Il la retrouvait aux feux de la rampe, transfigurée, tout autre. Chaque auteur lui faisait une virginité. Il découvrait sa petite mine sentimentale ; il l’aimait mieux, artificielle en sa candeur, qu’il n’avait aimé sa candeur réelle. C’était un homme d’imagination, un poète qui méritait décidément que le Ciel, exauçant la prière de sa maîtresse,

Rendît sa jeune gloire à ses jeunes amis.