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LA DIOPTRIQUE
DISCOURS PREMIER
DE LA LUMIÈRE.


Toute la conduite de notre vie dépend de nos sens, entre lesquels celui de la vue étant le plus universel et le plus noble, il n’y a point de doute que les inventions qui servent à augmenter sa puissance ne soient des plus utiles qui puissent être. Et il est malaisé d’en trouver aucune qui l’augmente davantage que celle de ces merveilleuses lunettes, qui, n’étant en usage que depuis peu, nous ont déjà découvert de nouveaux astres dans le ciel, et d’autres nouveaux objets dessus la terre en plus grand nombre que ne sont ceux que nous y avions vus auparavant : en sorte que, portant notre vue beaucoup plus loin que n’avait coutume d’aller l’imagination de nos pères, elles semblent nous avoir ouvert le chemin pour parvenir à une connaissance de la nature beaucoup plus grande et plus parfaite, qu’ils ne l’ont eue. Mais, à la honte de nos sciences, cette invention, si utile et si admirable, n’a premièrement été trouvée que par l’expérience et la fortune. Il y a environ trente ans qu’un nommé Jacques Métius, de la ville d’Alcmar en Hollande, homme qui n’avait jamais étudié, bien qu’il eût un père et un frère qui ont fait profession des mathé-