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veritez reuelées qui y conduiſent, font au deſſus de no- ſtre intelligence, ie n’euſſe oſe les ſoumettre à la foibleſ- ſe de mes raiſonnemens, & ie penſois que pour entre- prendre de les examiner, & y reuſſïr , il eſtoit beſoin d’auoir quelque extrordinaire aſſiſtence du ciel, & d’eſtre plus qu’homme.

Ie ne diray rien de la Philoſophie , ſinon que voyant qu’elle a eſté cultiuée par les plus excellens eſprits qui ayent veſcu depuis pluvieurs ſiecles , & que néanmoins 11 ne s’y trouue encore aucune choſe dont on ne diſpute, & par conſequent qui ne ſoit douteuſe, ie n’auois point aſſés de preſomption pour eſperer d’y rencontrer mieux que les autres ; Et que conſiderant combien il peut y auoir de diuerſes opinions touchant vne meſme matie- re, qui ſoient ſouſtenuës par des gens doctes, ſans qu’il y en puiſſe auoir iamais plus d’vne ſeule qui ſoit vraye , ie reputois preſque pour faux tout ce qui n’eſtoit que vray- ſemblable. Puis pour les autres ſciences d’autant qu’elles emprun- tent leurs principes de la Philoſophie, ie iugeois qu’on ne pouuoit auoir rien baſti qui fuſt ſolide, ſur des fonde- mens ſi peu fermes ; Et ny l’honneur, ny le gain qu’elles promettent, n’eſtoient ſufiſſans, pour me conuier à les apprendre : Car ie ne me ſentois point, graces a Dieu, de condition, qui m obligeaſt a faire vn meſtier de la ſcien- ce, pour la ſoulagement de ma fortune ; Et quoy que ie ne fiſſe pas profeſſion de meſpriſer la gloire en Cynique, ie faiſois néanmoins fort peu d’eſtat de celle que ie n’eſperois point pouuoir acquérir qu’a faux titres. Et enfin pour les mauuaiſes doctrines, ie penſois déſia con-

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