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Descartes en Suède. 5 5 1

pneumonie. Elle dura juste neuf jours. Son compatriote Du Ryer n'étant point là, Descartes ne voulut pas d'un autre médecin. Il fallut presque un ordre de la reine, pour le forcer à recevoir les visites d'un Allemand, Wullen, qu'il regardait comme son ennemi, et qui certes ne l'aimait guère. Notre philosophe l'accueillit fort mal; il entendait se soigner lui- même, ce qui consista les six premiers jours à ne rien faire du tout, sinon garder le lit; puis il reconnut qu'il était plus mal qu'il n'avait cru d'abord, mais refusa la saignée qu'on prétendait lui imposer suivant la mode du temps : « Epargnez » le sang français », disait-il au médecin allemand ^ Il se contenta d'un remède, sinon de bonne femme, au moins de paysan, qu'il avait vu réussir en Hollande : légère infusion de tabac dans une boisson chaude, eau-de-vie ou vin d'Espagne. La fièvre augmenta ; les poumons se prirent : il expira le II février i65o, à quatre heures du matin.

Wullen rédigea aussitôt, sous forme de lettre à un ami de Hollande, un bulletin précis et sec, du ton d'un médecin Tant- pis, presque satisfait de voir mourir un malade qui ne s'était pas soigné selon les règles ^ La reine, qui se fit lire cette lettre, n'y trouva rien à changer. Peut-être fut-elle surprise de cette fin si rapide d'un philosophe qui avait parlé jadis de prolonger

a. Le mot a été conservé par Wullen lui-même : t. V, p. 477. Voir aussi p. 490. Descartes finit cependant par se faire saigner; il eût peut-être commencé par là, si le médecin français eût été à Stockholm : c'était le grand remède de Du Ryer. On lit, en effet, dans une lettre de Chanut au comte de Brienne, 16 mai 1648 : « la reine. . . tombée malade la nuit pre- » cedente, d'vne fleure violente auec grande douleur de telle, & vne toux » qui faifoit appréhender vne inflammation de poulmon. Elle a efté » feignée trois fois en deux jours, maintenant la fleure eft quafi efteinte. » (Bibl. Nat., MS. h. 17964, p. 358-359.) Et à Servien, le même jour : a . . .M. du Ryer l'a traictée à noflre mode & n'a pas efpargné fon fang : » il en a tiré trois fois en deux jours, & auec l'aide d'autres petits » remèdes il a efteint la chaleur de la fleure. » (Page 366 v.;

b. Tome V, pp. 478, 486 et 492.

c. Lettre rédigée le jour même du décès, 11 févr. i65o, à Guillaume Pison, médecin de Leyde. Voir t. V, p. 477-479.

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