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plus d’une fois l’écolier embarrassa son maître[1] Mais si plus tard, en 1637, il critique en général l’enseignement de l’École, c’est-à-dire la Scolastique, cela ne l’empêchera pas de reconnaître l’année suivante, dans une lettre privée, que nulle part la philosophie ne s’enseigne mieux qu’à La Flèche, et que rien n’est plus utile pour un jeune homme, que d’en avoir étudié le cours entier, puisqu’elle donne la clé de toutes les sciences[2].

De fait (et pouvait-il en être autrement ?), l’ordre suivi par Descartes dans ses études de philosophie au collège, se retrouve en partie dans le Discours de la Méthode[3] : la logique d’abord, et c’est la deuxième partie du Discours ; puis la morale, et c’en est la troisième partie ; viennent ensuite, avec la quatrième et la cinquième, non plus, il est vrai, la physique et la métaphysique, mais dans l’ordre inverse, la métaphysique et la physique. Et cette interversion n’est rien moins que la réforme

    d’avoir vû la perſonne de Viéte que ſes Ecrits, puiſque ce grand Mathématicien, qui étoit natif de Fontenai-le-Comte en Poitou, & qui poſſédoit une Charge de Maître des Requêtes à Paris, étoit mort des l’an 1603. » (Baillet, t. I, p. 30-31.)

  1. « Étant encore à la Flèche, il s’étoit formé une méthode ſinguliére de » diſputer en Philoſophie, qui ne déplaiſoit pas au Pére Charlet Recteur du collège ſon directeur particulier, ny au Pére Dinet | ſon Préfet, quoy qu’elle donnât un peu d’exercice à ſon Régent. Lorsqu’il étoit queſtion de propoſer un argument dans la diſpute, il faiſoit d’abord pluſieurs demandes touchant les définitions des noms. Aprés, il vouloit ſçavoir ce que l’on entendoit par certains principes reçus dans l’école. Enſuite, il demandoit ſi l’on ne convenoit pas de certaines véritez connuës, dont il faiſoit demeurer d’accord : d’où il formoit enfin un ſeul argument, dont il étoit fort difficile de ſe débaraſſer [En marge : Rél. Mſ. de Poiſſon]. C’eſt une ſingularité de ſes études que le P. Poiſſon, demeurant à Saumur en 1663, avoit appriſe d’un homme qui avoit porté le porte-feuille à la Fléche avec M. Deſcartes. & qui en avoit été témoin pendant tout le cours de philoſophie qu’ils avoient fait ſous le même maître. Il ne ſe défit jamais de ſa méthode dans la fuite, mais il ſe contenta de la perfectionner : & il la jugeoit ſi naturelle, que jamais il n’auroit trouvé à redire à celle des Scholaſtiques, s’il l’eût trouvée auſſi courte & auſſi commode. » (Baillet, t. II, p. 483-484.)
  2. Tome II, p. 3-8, l. 6-16 : lettre du 12 sept. 1638.
  3. Tome VI, p. 11 (2e partie), p. 22 (3e partie), p. 31 (4e partie et p. 40 (5e partie). Voir aussi t. XI, p. 314, l. 28, à p. 315, l. 5.