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méchant (Descartes dit malicieux); et l'amour, au contraire, rend heureux et vertueux; quant à leurs dérèglements (Christine se défend d'en rien connaître encore), notre philosophe déclare ceux de l'amour beaucoup plus funestes que ceux de la haine. Il rappelle l'exemple classique de l'embrasement de Troie : de gaieté de cœur, pour la beauté d'Hélène, le beau Paris n'a pas craint de causer l'incendie et la ruine de sa ville et de son peuple. Bientôt Christine elle-même, par le meurtre de Monal- deschi, confirmera la règle : la haine pouvait-elle l'eiitraîner plus loin, que n'a fait ici l'amour ?

Chanut tira de cette lettre tout le parti convenable *. Il se garda bien, aussitôt feçue, de la montrer à la reine. Il se contenta d'en parler au médecin français Du Ryer, à qui sa profession permettait sans doute d'approcher chaque jour de la personne royale et de l'entretenir familièrement. Ce médecin ne manqua pas d'en faire sa cour, et Christine intriguée demanda à Chanut cette lettre d'un si grand intérêt. L'habile homme ne la lui donna pas encore, et différa même à dessein d'une audience à l'autre : on ne pouvait s'y prendre mieux, pour porter à son comble la curiosité féminine. Enfin il remit la lettre. A la lecture, celle-ci produisit-elle sur l'esprit de la reine tout l'effet attendu de notre diplomate ? On n'oserait

a. Lettre de Chanut, ii mai 1647 • '• ^> P- '9'22, ou plutôt t. X, p. 617-624. Le même jour, Chanut écrivait à M. de Saint-Romain une lettre où on retrouve les mêmes passages : « . . .s'il arriue que je fois afles » heureux, pour eftre renuoyé au fortir d'icy planter des choux en noftre » maifonnette de Normandie, la ledure & le loifir me donneront matiere(s) » à vous entretenir quelquefois, aulfy belles que les magnificences des » Cours. Je vous jure, fans le dire par comparaifon, que j'ay efté rauy » d'vne lettre que M. Defcartes m'efcriuit il y a quelques [sic] temps; la » < reine > qui fçeut par M. du Rier, que je l'auois, ne m'a point » donné le repos qu'elle ne l'ait veùe, & après l'auoir admirée, & m'en » auoir | demandé vne copie, elle me dift refolument : Je préfère le bon- » heur de M. Defcartes à toutes les couronnes de la terre. Sans mentir je » ne la defdis point en mon cœur : vn jour de vie & dans le repos & la w méditation vaut mieux que les années que nous pafTons en ce tournoye- » ment de femaines en vifites & efcritures qui nous ennyurent [sic]. » {Bibl. Nat., MS. fr. 17963, p. 3i5.)

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