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496 Vie de Descartes.

Les Anciens, et tous les Modernes qui suivaient les Anciens, ne voyaient dans les passions, avons-nous dit, que des pertur- bations de l'âme ; bien plus, ils imaginaient des combats entre les passions ^, c'est-à-dire entre les diverses parties de l'âme ainsi divisée, contre elle-même. Descartes n'admet point une telle division ; les faits, qui sont d'ailleurs indéniables, s'expli- quent autrement et bien mieux avec son principe de la liaison de l'âme et du corps, lequel comprend deux conséquences. La première est que toute pensée de l'âme est jointe à un mouve- ment du corps, et inversement. Chaque fois que, pour une cause ou pour une autre, un même mouvement se reproduit, il s'en suivra la même pensée, et aussi chaque fois que nous aurons de nouveau une même pensée, les mouvements corporels qui l'accompagnent, ne manqueront pas de se reproduire. Descartes insiste sur ce principe : il y revient à plusieurs reprises, et tou- jours avec des exemples appropriés . Mais ce n'est pas tout, et voici la seconde conséquence : l'âme n'est pas tellement asser- vie au corps, qu'elle ne puisse s'en libérer ; la liaison entre les mouvements et les pensées est assez lâche, pour qu'une pensée puisse se détacher de son mouvement propre et s'attacher à un mouvement voisin. Elle passe ainsi de l'un à l'autre, en vertu de sa mobilité à elle, qui est un eflFet de sa liberté : ce passage, à vrai dire, ne se fait pas sans effort ni sans lutte, et c'est en quoi consistent les prétendus combats des passions. On remar- que déjà quelque chose d'analogue, sans passion toutefois, chez les animaux eux-mêmes. Le premier mouvement d'un chien, à la vue d'une perdrix, est de se jeter sur elle, et lorsqu'il entend un coup de fusil, de se sauver; mais un chien de chasse, con- venablement dressé, fait précisément le contraire : il demeure en arrêt devant le gibier, et y court aussitôt qu'on a tiré". Ce

a. Tome XI, p. 364-366 : art. xlvii.

b. Ibid., pp. 36 1-362, 368-370, 407 et 428-429 : art. xliv, l, cvii et cxxxvi. Voir aussi t. IV, p. 408, 1. i-io.

c. Pour cet exemple et les deux qui suivent, voir t. XI : p. 370, 1. 1-8; p. 369, I. 19-25; ou p. 407, I. 13-17, et p. 429, 1. 3-21.

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