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Passions de l'Ame. 495

premcnt Thomme. La notion d'union est d'autant plus néces- saire dans la philosophie de Descartes, qu'il a séparé davantage, en les distinguant l'un de l'autre, deux mondes qui demeure- raient autrement sans rapport entre eux : monde de la pensée et monde de l'étendue (celle-ci enveloppant et expliquant la vie même) ; monde des esprits, et monde des corps (y compris les corps vivants). Un troisième monde naît de l'union des deux autres, et c'est lui qui paraît le plus réel des trois : monde de la lumière et des couleurs, et des sons, et de toutes les qualités sensibles, monde des sentiments, monde des passions enfin, ne comprend -il pas, dit Descartes lui-même, « la » plupart des choses qui sont en la nature^ » ?

Peu importe que notre philosophe s'ingénie ensuite à pré- ciser l'endroit où l'âme s'unit le plus intimement au corps ; il désigne la glande pinéale, qui a la propriété d'être unique, et peut ainsi unifier comme en un centre ce qui lui arrive en double des deux yeux, par exemple, des deux oreilles, etc. ^. Et peu importe que cette glande soit si difficile à reconnaître : lui-même avoue qu'un certain hiver à Leyde, en i636-i637, il l'a souvent cherchée en vain avec un vieux professeur d'ana- tomie, en disséquant des cerveaux ^ Nous ne voyons là que les efforts méritoires d'un philosophe qui ne s'enferme pas dans son cabinet d'étude, ou plutôt dont le cabinet n'est pas, comme pour tant d'autres, une bibliothèque de livres, mais une cour, sur le derrière de son logis à la campagne, aménagée pour la dissection. Jamais peut-être il n'était plus philosophe, que lorsqu il ne s'en rapportait qu'à lui-même pour ses observations et ses expériences. Et ce n'était pas seulement le corps qu'il étudiait ainsi, ni le mécanisme de la vie dans les organes ; mais au fond de ce mécanisme même, il essayait de surprendre le fait essentiel de la nature humaine, l'union de notre âme et de notre corps.

a. Tome VIII, p. 3i3, 1. 20-22 ; et t. IX (2- partie), p. 3io.

b. Tome XI, p. ;->5i-.^33 : an. xxxi et xxxii.

c. Tome III, p. 48-4.(1.

cl. Ibid.. D. 353. Kt t. IV, p. 247-248.

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