Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, XII.djvu/526

Cette page n’a pas encore été corrigée

484 Vie de Descartes.

peut-être indiscrètes, par des boutades qui étaient des échap- patoires? Il avait devant lui un apprenti théologien, fils et bientôt gendre de théologiens eux-mêmes : notre philosophe se méfiait des hommes de cette profession, bien qu'il comptât parmi eux des amis. Sur les questions de morale notamment^ il esquive et se dérobe; il mystifie peut-être son interlocuteur. Quelle raison avait-il, en effet, de livrer à un jeune étudiant des pensées qu'il ne confiait à son ami Chanut, un homme de son âge et un philosophe, que pour lui seul (et pour la reine de Suède), et en lui recommandant le secret? Toutefois, avec ses déclarations, que nous ne devons pas prendre à la lettre, il s'ex- posait à donner à des jeunes gens, aujourd'hui Burman, comme hier Porlier, une idée inexacte de sa doctrine et de sa personne, et qui leur faisait prendre le change sur le fond véritable de ses pensées : Porlier, jeune catholique, à qui l'on avait représenté Descartes comme un athée, s'étonne de se trouver en face d"un croyant, et en fait presque un dévot^; au contraire, le jeune huguenot Burman, à qui Descartes vu de loin appa- raissait comme un papiste, exagéra sans doute en sens contraire l'indifférence et l'irrévérence même de ses propos touchant les vérités morales et religieuses.

On trouverait d'autres exemples de l'intérêt que notre philo- sophe prenait à l'instruction des jeunes gens. Dans une lettre, dont on ne sait pas, malheureusement, à qui elle est adressée,

a. Tome IV, p. 3i8-32o.

b. Tome II, p. 377-379. Descartes fait, dans cette lettre, un grand éloge du collège de La Flèche. Il recommande l'étude de la philosophie, « à caufe qu'elle eft la clef des autres fciences ». « le crois (ajoute-t-il) » qu'il eft tres-vtile d'en auoir eftudié le cours entier, en là façon qu'il » s'enfeigne dans les Ecoles des lefuites. » (Page 378, 1. 6-10.) Ceci, pour commencer, bien entendu, et « auant qu'on entreprenne d'éleuer » fon efprit au deffus de la pédanterie, pour fe faire fçauant de la bonne )• forte ». Car il ne croit pas, tant s'en faut, « que toutes les chofes qu'on » enfeigne en philofophie, foient auiïi vrayes que l'Euangile ». Ajoutons que cette lettre paraît être de sept. i638 : elle serait donc bien antérieure à la publication des Principia, qui sont au moins une partie d'un cours entier de philosophie.

�� �