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412 Vie de Descartes.

cite, une théorie seulement esquissée dans les Méditations : à savoir, que toute la réalité que nous pouvons connaître, se compose de trois parties, l'âme seule d'abord, puis le corps seul, enfin l'union de l'âme et du corps. Et l'action réciproque de l'âme et du corps est précisément un effet de cette union. C'est là pour Descartes une notion primitive à l'égal des deux autres ; c'est un principe distinct des deux autres, et qui en diffère autant que ceux-ci diffèrent entre eux". Si l'on objecte qu'il est loin d'avoir la même clarté, notre philosophe en appelle à l'expérience de chacun : n'expérimentons-nous pas, en nous-mêmes, que notre âme agit sur notre corps et notre corps sur notre âme? C'est là un fait indéniable, et Descartes voit même dans l'extension abusive qu'on lui a donnée la grande erreur de toute la Scolastique. L'action mystérieuse des qualités occultes, au dehors, et par exemple de la pesanteur, est calquée sur ce modèle intérieur de l'action de notre âme sur notre corps. La philosophie de l'Ecole projette au dehors (et elle se trompe en cela) une notion que nous sentons tous au-dedans de nous (et en cela nous ne nous trompons pas). Dans les limites de notre expérience intime, cette notion demeure vraie ; elle ne cesse de l'être, que transportée aux choses extérieures et sup- posée en elles sans vérification possible. Mais cette supposition fausse prouve au moins que la notion existe, une notion vraie, et qui, prise à son origine, et dégagée de l'application hasar- deuse qu'on en fait, s'impose par son évidence. Ainsi tout n'est pas erreur dans la Scolastique, et sa fausseté même, que Des- cartes explique et réfute du même coup, recouvre un fond de vérité, dont il se prévaut contre elle et que doivent admettre désormais les partisans de celle-ci comme ses adversaires.

C'est pourquoi il revient, à plusieurs reprises et longuement, sur cette troisième notion, dans ses lettres à Elisabeth, l'été de 1643. Pour lui, ce n'est pas là seulement un principe à la fois

a. Tome III, p. 664, 1. 20, à p. 668, I. 4; p. 684, 1. 10, à p. 685 1. i3, et p. 691, I. 3, à p. 695, 1. i5 : lettres du 21 mai, 10 juin et 28 juin

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