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crier de nouveau à l’athéisme, et d’ameuter, par des thèses publiques, toute la gent dévote contre Descartes. Celui-ci soutint Regius, revoyant et corrigeant ses thèses, rédigeant même tout exprès un modèle de réponse à Voët[1]. Rien n’y fit, au contraire. Voët était à ce moment recteur de l’Université d’Utrecht ; mais ses pouvoirs expiraient le 16 mars 1642. Il se hâta d’agir, et fit rendre, le 15 mars, un décret par le Conseil de Ville ou le « Magistrat », et le lendemain par le Conseil de l’Université un jugement, en faveur de l’ancienne philosophie et contre la philosophie nouvelle[2].

Voilà ce que Descartes expose dans la seconde partie de sa Lettre au P. Dinet. Puisqu’il est ainsi attaqué en Hollande, et au fond attaqué comme catholique, on ne peut pas se dispenser en France de le défendre. Aux malintentionnés de Paris qui le soupçonnaient d’être huguenot, parce qu’il s’était retiré parmi des huguenots[3], sa réponse était habile, de montrer que, précisément comme catholique, il souffrait, de la part de ceux-ci, persécution. Et l’habileté de Descartes était plus grande encore. Il répondait du même coup aux protestants, auprès desquels sa Lettre au P. Dinet pouvait lui rendre un service analogue. Ne contenait-elle pas, en effet, une longue diatribe contre un Jésuite, le P. Bourdin ? Comment croire alors Voët, et ceux qui comme lui en Hollande accusaient Descartes d’être un Jésuite déguisé ? Un moment il put s’imaginer qu’il remporterait une double victoire, en attaquant à la fois Voët et Bourdin : les Jésuites ne pouvaient pas ne pas considérer comme un ami l’adversaire d’un ministre (et quel ministre ! le chef de la religion prétendue réformée aux Pays-Bas) ; et les protestants ne pouvaient traiter en ennemi un adversaire déclaré des Jésuites. Descartes toutefois eut le regret de voir sa double tactique ne lui réussir pleinement ni d’un côté ni de

  1. Tome III, p. 485-520. La pièce imprimée est, malheureusement, encore à retrouver.
  2. Ibid., p. 525-542. Surtout, p. 529-533.
  3. Tome II, p. 619-620 et p. 623-624 : du 13 nov. 1639.