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Saint-Office à Rome. Au moins ce dernier y regardera-t-il à deux fois avant de condamner un livre qui aura d’abord reçu l’approbation de la Sorbonne. Descartes s’efforcera donc de l’obtenir, en montrant qu’il y va de l’intérêt de la religion, et qu’il s’agit des deux grandes vérités religieuses, existence de Dieu et immortalité de l’âme. Comment ne pas approuver un ouvrage qui porte ce double titre ? Cependant Descartes n’oublie pas qu’il est philosophe, et non théologien, et qu’il a en vue tout autre chose que la théologie. D’une part, il pense à la religion catholique, avec laquelle sa philosophie ne doit pas entrer en lutte ; d’autre part, il pense à cette philosophie elle-même, c’est-à-dire à sa physique, dont il veut faire accepter par avance les principes sous le couvert d’une métaphysique orthodoxe. Le pavillon, si l’on ose dire, devait couvrir la marchandise ; et Descartes tenait à la marchandise pour le moins autant qu’au pavillon.

Sans la condamnation de Galilée, nous aurions eu tout de même la métaphysique de Descartes. Mais nous ne l’aurions probablement pas eue sous la forme volumineuse qu’elle a prise avec toutes ces Objections et Réponses, qui font plus que quintupler les Méditations primitives[1]. Le philosophe se serait sans doute contenté de nous donner les cinq ou six feuilles d’impression, qu’il avait rédigées en 1629 dès son arrivée en Hollande. Au fond il eût autant aimé n’avoir pas à répondre à tant d’objections, surtout aux cinquièmes de Gassend et aux septièmes du P. Bourdin, bien qu’il l’ait fait avec sa verve coutumière. Dès l’été de 1641, il déclare qu’il en a assez, et qu’il ne répondra plus sur des questions de ce genre. C’est pour lui du temps perdu, et dont il eût aisément trouvé un emploi meilleur. Tout cela est en dehors de son plan d’études, et du programme qu’il s’est tracé ; tout cela le distrait et le détourne. C’est une

  1. La seconde édition a 496 pages (plus 138 pour les 7es objections). Les six Méditations n’en remplissent que 95 : tout le reste est pour les Objections et Réponses.