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244 Vie de Descartes.

témoin'. Notre philosophe aurait été l'hôte du gouverneur de la ville, M. de la Bassecourt, grand amateur de philosophie; ce personnage se serait plu à réunir à sa table, pour les faire discuter après le repas, un professeur de l'Université et un gentilhomme polonais, compagnon de Descartes, celui-ci n'in- tervenant que comme arbitre. Il parle, en effet, d'un voyage

a. « Etant une fois forti de fa retraite, & fe voyant fur les frontières » des Pays-Bas catholiques, il peut avoir eu la penfée de paffer en » Flandre avant que de fe renfermer dans le poëlle. Il paroît au moins » qu'il fut à Doiiay vers ce têms-là, s'il eft fur de fe repofer fur la foy » d'une perfonne de probité [en marge : M. Maquets demeurant à Arras], » qui foùtient avoir vu M. Defcartes à Doiiay, & l'avoir revu environ » fept ans après à Paris, tant au collège de Boncourt avec le Chevalier » d'Igby, qu'aux Théatins avec le P. Chappuis, ce qui n'eft arrivé qu'en » 1644. Selon cette relation, M. Defcartes, accompagné d'un Gentil- » homme Polonois, vint rendre vifite à M. de la Baffecourt, Gouverneur » ou Commandant de la ville de Doiiay pour le Roy d'Efpagne, qui le » retint huit ou dix jours à le régaler & à l'entendre raifonner fur fa » Philofophie, dont il étoit devenu amoureux. Le Gouveineur s'appli- tt quant sur tout à defennuyer fon hôte par la diverfité des objets qu'ils » luy préfentoient, n'avoit pas oublié de luy procurer la compagnie des » plus habiles gens de l'Univerfité du lieu à fa table, afin de lier entre » eux de curieufes & fçavantes converfations après le repas. L'un des » plus renommez étoit un petit Dodeur bofl'u, appelle François Silvius, » habile Thomilte, l'un des grands Théologiens de fon fiécle, & le pré- » mier ornement de l'Univerfité depuis la mort d'Eilius. Il étoir de » Braine-le-Comte fur les extrémittez du Haynaut & du Brabant ; il » occupoit la Chaire Royale & ordinaire de Théologie depuis environ » dix-huit ans; & fa mon ne prévint celle de M. Defcartes que d'un an » & quelques femaines. M. de la Baffecourt ayant convié ce Dofteur de » venir manger tous les foirs chez luy tant que M. Defcartes y feroit, fe » procura à luy-même un plaifir dans leurs entretiens, dont il fe fit un » honneur le refte de fes jours; M. Defcartes y parloit peu, félon fon ordi- » naire; mais ce qu'il difoit étoit accompagné d'un flegme mêlé de » gayeté. L'ardeur du difcours étoit le plus foUvent entre le Dodeur Sil- » vius & le Gentil-homme Polonois. La converfation dégénéroit prefque » toujours en difpute, qui duroit fort avant dans la nuit, mais jamais hors » des termes de la Philofophie; & la chaleur les emportoit prefque toû- » jours, au grand divertilfement de M. de la Baffecourt. On en revenoit » toujours à M. Defcartes comme à l'arbitre d^s parties; & jamais il » n'abufoit de leur confiance, ny de leur foamiffion à fon jugement. Il » commençoit par les faire revenir un & l'autre des extrémittez où la

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