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confiance[1]. Il ne veut plus de philosophie spéculative, ou de science purement théorique, sans application et sans utilité ; il lui faut une philosophie pratique, une science qui donne à l’industrie humaine des règles et en assure désormais le progrès. Ce n’est pas seulement le feu, l’eau, l’air, la terre, que nous pourrons, les connaissant mieux, faire servir à nos besoins. Descartes, dans les campagnes de Hollande, n’avait qu’à regarder autour de lui, pour voir, en effet, une contrée qui apparaissait déjà, presque tout entière, comme l’œuvre de l’homme : où la terre, conquise sur l’eau, n’était que pâturage, et culture, et jardins ; où l’eau elle-même, distribuée en de nombreux canaux, facilitait le transport des habitants ou des marchandises ; où l’air, agité par le vent, faisait tourner les ailes de ces grands moulins, qui remplaçaient les bras de tant d’hommes de peine. En outre, Descartes ajoute que les produits du sol eux-mêmes pourront être améliorés par la science. Enfin, son imagination subissant encore la hantise du merveilleux d’autrefois, il se promet de la connaissance scientifique des astres et des cieux, ou tout au moins de la médecine, les moyens d’agir sur les esprits, les tempéraments et les humeurs, et de rendre par là les hommes « plus habiles et plus sages[2] ».

Plus tard, en 1647, il reprendra la comparaison biblique de l’arbre de la Science. Et ce ne sera pas seulement pour dire que la Métaphysique est la racine de cet arbre, et que la Physique en est le tronc ; mais les branches et surtout les fruits représentent à ses yeux, les trois applications principales de la Physique, c’est-à-dire la Mécanique, la Médecine et la Morale[3]. La Mécanique, lorsque la science aura réussi à en calculer et diriger les effets, nous rendra « comme maîtres et possesseurs de la nature[4] ». La Médecine, lorsqu’elle ne se contentera

  1. Tome VI, p. 63-64.
  2. Ibid., p. 62, et t. I, p. 250-251.
  3. Tome IX, 2e partie, p. 14, l. 23-31.
  4. Tome VI, p. 62. l. 7-8.