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Le Discours de la Méthode réalisait, en 1637, une promesse faite depuis longtemps, puisque Balzac, en 1628, pressait Descartes de la tenir, en donnant une « Histoire de son esprit[1] ». Le philosophe y ajouta ce qui s’était passé depuis lors ; et c’est ainsi que le Discours a été notre guide, non seulement pour ses premières études, au collège de La Flèche, pour ses préceptes de méthode et ses maximes de morale en 1619, pour l’emploi des années 1620 à 1628, mais aussi pour la phase décisive qu’il traversa en 1629, et pour son Monde de 1630 à 1633. Le Discours contient en effet, jusqu’à cette date, une autobiographie du philosophe ; il raconte, comme il dit, « en quelle sorte il a tâché de conduire sa raison », sans prétendre pour cela enseigner comment chacun doit conduire la sienne[2]. « Ce sont ici mes humeurs et opinions », avait déjà dit Montaigne ; « je les donne pour ce qui est en ma créance, non pour ce qui est à croire[3]. » Seulement, Montaigne donne les « Essais » de ses facultés dans toute leur libre allure qui n’était que fantaisie et caprice, sans règle ni joug d’aucune sorte : Descartes donne des essais de son esprit réglé et discipliné, assujetti à une méthode : somme toute, les essais de cette méthode elle-même.

Le Discours fut peu critiqué. Les quatre préceptes qu’il formule parurent seulement un peu courts pour une méthode complète ; aussi Descartes n’avait voulu donner qu’une partie de sa méthode[4], et celle-ci se retrouve avec plus de détails dans les Regulæ. Mais surtout les preuves de l’existence de Dieu parurent à quelques-uns trop brèves, et non exemptes d’obscurité[5]. Là-dessus, notre philosophe s’excuse. Il sait bien qu’il ne les a pas suffisamment développées ; mais d’abord il n’a ajouté ces quelques pages qu’au dernier moment, pressé par le libraire, et lorsque le volume était presque achevé d’im-

  1. Tome I, p. 570, l. 22, à p. 571, l. 23.
  2. Tome VI, p. 4, l. 7-10 et l. 14.
  3. Essais de Montaigne, édit. Strowski, t. I, p. 191, l. 21.
  4. Tome I, p. 339, l. 25-26 ; et p. 559, l. 14-15.
  5. Ibid., p. 390, l. 4-6.