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faire observer que ce n’était pas un Traité complet, mais un simple Avis touchant la méthode à suivre dans les sciences[1]. Le premier titre était peut-être trop pompeux ; le second parut vraiment trop modeste.

Descartes envoyait les épreuves à Paris uniquement afin d’avoir un privilège. L’imprimeur Jan Maire en avait bien un déjà, des États de Hollande, daté du 20 décembre 1636[2], mais qui ne valait que pour les Pays-Bas, et ne le protégeait pas en France contre une contrefaçon et une concurrence possible à Paris. C’était donc dans un intérêt commercial que notre philosophe demandait à Mersenne de lui faire obtenir un privilège du roi, non pas tant pour lui personnellement, que pour son libraire de Leyde[3]. Mais Mersenne l’entendit autrement. Il voulut quelque chose qui signalât le nouveau volume à l’attention publique et en assurât le succès. Les circonstances étaient favorables : le chancelier, Pierre Séguier, aimait les lettres, et de plus il avait épousé une cousine germaine du cardinal de Bérulle, ancien protecteur de Descartes. Séguier entra dans les vues de Mersenne : le privilège faisait une allusion flatteuse à ce qu’on pouvait attendre de l’auteur pour l’avancement des sciences et le progrès des arts mécaniques, et surtout il nommait cet auteur en toutes lettres : Des Cartes[4]. C’était aller contre la volonté expresse du philosophe, qui en témoigna quelque humeur à son ami trop zélé ; il ne retint que les termes essentiels du privilège, et supprima tout le

  1. Tome I, p. 349, l. 14-20.
  2. Tome VI, p. 515.
  3. Tome I, p. 365, l. 4-6. Voici un précédent. Saumaise écrivait de Leyde à M. Du Puy, à Paris, le 2 déc. 1632 : « … Le Sr Maire, imprimeur de cette ville, que vous cognoiſſés, a fait imprimer les Annales de ce pais tournés de Flamand en Latin par le fils de Monſr Voſſius. Il m’a prié de vous eſcrire, s’il y auroit moyen de lui faire auoir vn priuilege de France ; il apprehende que les imprimeurs de France ne prenent enuie de le faire après lui, ce qui lui tourneroit à vn grand preiudice… » (Paris, Bibl Nat., MS. fr., Collection Du Puy, 713, fol. 16.)
  4. Comparer t. VIII, p. 1, note a, et t. VI, p. 518. Voir aussi t. I, p. 363-364, Voir enfin ci-avant, p. 13-14, note a.