Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, XII.djvu/189

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

action toute-puissante, il conserve ce qu’il a créé : cette conservation n’est même qu’une création continuée. Mais il n’intervient plus autrement pour modifier dans leurs effets les lois qu’il a lui-même établies, et qui doivent, comme lui, demeurer immuables. Il n’y a place dans le monde de Descartes pour aucune intervention surnaturelle.

Les chapitres qui suivent[1], nous font assister à la formation de ce monde, ou plutôt des mondes en général, et dont le nôtre ne sera, nous le verrons tout à l’heure, qu’un cas particulier. Descartes montre d’abord comment se forma le Soleil, avec les Étoiles fixes, qui sont autant de Soleils. Il ne les appelle pas ainsi d’abord. La matière qui remplit l’espace, ne se meut point partout de même, mais çà et là de manières différentes, bien que toujours en définitive circulairement. Elle tournoie ainsi autour d’autant de centres, où viennent se rassembler les parties les plus subtiles et les plus agitées, qui sont l’élément du feu, et composeront les Étoiles. Nous sommes loin de notre Terre, et même de notre Soleil, et même de cette sphère de Saturne, la plus éloignée de nous, selon les anciens astronomes, et qui n’aurait au-dessus d’elle que le Firmament. Descartes a soin de rappeler que les nouveaux astronomes supposent déjà une distance infinie entre ce Firmament et Saturne, dont la sphère même n’est qu’un point en comparaison[2]. Et ses propres suppositions vont encore au delà infiniment. Car dans ces espaces infinis, tout remplis de matière, ni remparts de feu, ni murailles d’airain n’arrêtent l’essor puissant de sa pensée ; et les ailes de son imagination ne vont pas se briser contre la voûte de cristal d’un suprême et unique Firmament.

Mais les parties de la matière ne sont point toutes subtiles et flexibles, au point de se ranger docilement dans tel ou tel tourbillon et d’être emportées désormais en son cours.

  1. Chapitres viii, ix et x : t. XI, p. 48-72.
  2. Tome XI. p. 56, l. 12-22.