Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, XII.djvu/184

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Lumière, entendu de la sorte, devient véritablement un Traité du Monde.

Nous n’avons point ce Traité en entier, sous la forme que Descartes lui donna de 1630 à 1633. Mais nous en avons certainement l’essentiel, soit résumé dans la cinquième partie du Discours de la Méthode en 1637, soit développé et surtout traduit en latin dans les Principia Philosophiæ en 1644. Outre cela, quelque chose de l’ouvrage primitif nous a été conservé, dont il est facile de vérifier l’authenticité, grâce à ces deux termes de comparaison ; enfin, dans maint passage, la correspondance, de 1629 à 1632, peut servir de contrôle[1]. Pourtant nous ne saurions trop regretter de ne plus avoir l’œuvre complète : la pensée du philosophe y apparaîtrait toute simple et naïve, sans réserve ni détour, sans souci de plaire aux théologiens comme sans crainte de leur déplaire. Le vrai Descartes, tel qu’il serait demeuré toute sa vie sans la condamnation de Galilée, se présenterait là sans artifice et au naturel.

Examinons donc ce qui nous reste du texte rédigé primitivement. On peut considérer les cinq premiers chapitres[2] comme une sorte d’introduction. Descartes commence par déblayer le terrain, et se prépare un champ libre pour la construction de son Monde. Il renverse l’obstacle qui se présente d’abord, la grande erreur, l’erreur capitale, laquelle est un préjugé commun à tous les hommes. Pour eux tous, en effet, les objets extérieurs sont semblables aux sentiments que nous en avons intérieurement : il y a réellement dans les choses, par exemple, du feu comme celui que nous sentons, et aussi de la lumière et des couleurs, des sons, des odeurs et des saveurs, bref tout

  1. Le travail de rapprochement entre les quatre séries de texte : 1° Le Monde, 2° Correspondance (1629-1633), 3° Discours de la Méthode (5e partie », 4° Principia Philosophiæ (part. ii, iii et iv), a été fait déjà, t. XI, p. 698-706, au moins pour la première partie du Monde : Traité de la Lumière. Nous le reprendrons ici, en le conduisant jusqu’à la fin, pour la seconde partie également : Traité de l’Homme.
  2. Tome XI, p. 3-31.