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Métaphysique. i^i

Que l'on fît volontiers profession de scepticisme en France, c'est-à-dire à Paris, de 1620 à i63o environ, c'est ce que prouve, entre autres, Tin-octavo de 1008 pages, que publia Mersenne en 1625 sous le titre de La Vérité des Sciences contre les Sceptiques. Le premier livre, qui compte à lui seul 122 pages, reprend et énumère les raisons de douter qu'allé- guaient les anciens, Sexte, ^'Enesidème, etc., et toute la lignée de Pyrrhon. Descartes ne dédaigne pas ces vieux arguments, tirés des erreurs des sens ou des illusions de nos songes ; il les ramasse, et les refond, et leur rend la vie. Ce n'est pas contre un vain fantôme du passé qu'il s'escrime ; Charron , après Montaigne, avait redonné au scepticisme comme un regain de nouveauté, et on se trouvait en présence d'un ennemi réel, en chair et en os, qui s'élevait contre la philosophie et la science. Mersenne avait cru faire un coup de maître, après avoir attaqué en eux-mêmes les arguments des sceptiques, d'invoquer contre ceux-ci la Vérité des Sciences : il entendait surtout l'Arithmétique et la Géométrie. L'idée était heureuse, et l'avenir la justifiera. Mais Descartes n'estimait pas que les sciences fussent encore assez sûres d'elles-mêmes, ni assez exemptes d'erreurs, pour qu'il pût les opposer victorieuse- ment : tout mathématicien qu'il est (et son aveu n'en a que plus de prix), il ne fait pas difficulté de reconnaître que

a. Mersenne, Impiété des Deijles, 1624 : « ...vn tas d'ignorans, » lefquels ayans leu cefte Sagejfe (de Monfieur Charron), s'eftiment plus » habiles que ceux qui ont vfé leur vie à l'eftude des bonnes lettres & à la » contemplation des myfteres diuins. Vous les verriez auec leur modeftie » Académique mettans tout en doute. . . Pourquoi cela ? Parce qu'ils ont » leu, dedans la Sagejfe de Charron, qu'vne des conditions du fage eft » iuger de tout, & ne s'aheurter ou ne s'attacher à rien : afin que l'efprit » de ces fages demeure indiffèrent, gênerai, & vniuerfel. » (Tome I, p. 200.) Mersenne ajoute, il est vrai, ce correctif : « ...il faut auoir » recours à la 2. impreiïion; car eftant la dernière, & corrigée de fa main, » elle doit eftre tenue pour la meilleure; or il fait paroillre combien il eft » efloigné du Pyrrhonilme en matière de religion. Voicy fes paroles au » 2 chapitre de l'on Epitome : Cefte liberié, tant au iuger qu au furjeoir, » ne touche point les chofes diuines & furnaturelles. » Tome I, p. 201.)

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