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Vie de Descartes

retirait volontiers des compagnies, afin de méditer plus à l’aise : nous savons, par le témoignage d’un ami qui lui avait donné l’hospitalité, Le Vasseur d’Étioles[1], qu’un beau jour Descartes le quitta, sans lui dire adieu, et demeura quelque temps caché ; on n’apprit que par hasard où il était. Découvert, notre philosophe s’excusa de son mieux, et d’assez bonne grâce, semble-t-il, auprès de la maîtresse du logis, qui par-

  1. Nicolas Le Vasseur, sieur d’Étioles, receveur général des finances à Paris. Il eut un fils, Nicolas Le Vasseur, sieur de Saint-Vrain, qui fut un moment conseiller au Parlement de Rennes (lettres de provision, 13 février 1646 ; réception, 12 mai suivant) ; il fut ensuite reçu conseiller au Parlement de Paris, 21 août 1646, devint conseiller de Grand Chambre, et ne mourut qu’en 1692 (inhumé à Saint-Sulpice, 6 mai 1692). Il était donc encore vivant, lorsque Baillet écrivit et publia sa Vie de Descartes, en 1691, et c’est de lui, sans doute, que notre historien reçut les Relations MS. qu’il donne sous le nom de M. Le Vasseur (le père). Détail curieux : Le Vasseur fils se démit de sa charge de conseiller à Rennes en faveur de Pierre Descartes, sieur de la Bretallière, conseiller depuis 1618, mais qui avait cédé son office à son fils aîné, Joachim Descartes, sieur de Kerleau, pourvu le 21 sept. 1647 et reçu le 30 mai 1648. Cette rentrée de Pierre Descartes au Parlement n’alla pas d’ailleurs sans difficulté : il fut reçu le 12 février 1650, sur lettres de jussion du 10 janvier précédent, et sous la condition qu’il ne céderait plus ce second office à un de ses enfants, comme il avait fait pour le premier. (Le Parlement de Bretagne, 1554-1790, par Frédéric Saulnier, t. I, p. 296 et 297, t. II, p. 842-843.) Voir aussi notre t. III, p. 187-188.

    Baillet raconte maintenant ceci, t. I, p. 130-131, sous la date de 1625 : « M. Deſcartes prit ſon logement chez un ami de ſon Pére, qui étoit auſſi le ſien en particulier, & qui avoit des rlations avec sa famille par quelque alliance. [En marge : Relat. de M. le Vaſſeur.] Cet amy étoit M. le Vaſſeur Seigneur d’Etioles pére de M. le Vaſſeur qui vit encore aujourd’hui, & qui eſt Conſeiller à la Grand-Chambre. Là s’étant formé un modèle de conduite ſur la maniére de vivre que les honnêtes gens du monde ont coutume de ſe preſcrire, il embraſſa le genre de vie le plus ſimple & le plus éloigné de la ſingularité & de l’affectation qu’il put imaginer. [En marge : Diſc. de la Méth. part. 3 p. 31.] Tout étoit aſſez commun chez lui en apparence : ſon meuble & ſa table étoient toujours tres-propres, mais ſans ſuperflu. Il étoit ſervi d’un petit nombre de yalets, il marchoit ſans train dans les rues. Il étoit vêtu d’un ſimple taffetas verd, ſelon la mode de ces têms-là, ne portant le plumet & l’épée, que comme des marques de ſa qualité, dont il n’étoit point libre alors à un Gentilhomme de ſe diſpenſer. »