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Poliandre — Je veus donc bien, à voſtre perſuaſion, me repreſenter ces difficultés les plus fortes qu’il me ſera poſſible, & employer mon attention à douter ſi je n’ay point reſvé toute ma vie, & ſi toutes les idées que je penſois ne pouvoir entrer en mon eſprit que par la porte des ſens, ne s’y ſont point formées d’elles-meſmes, ainſi qu’il s’en forme de pareilles à toutes les fois que je dors, & lorſque je ſçay bien que mes yeux ſont fermés, mes oreilles bouchées, & bref qu’aucun de mes ſens n’y contribue. Et par conſequent, je ſeray non ſeulement incertain ſi vous eſtes au monde, s’il y a une terre, s’il y a un ſoleil ; mais encore, ſi j’ay des yeux, ſi j’ay des oreilles, ſi j’ay un corps, & meſme ſi je vous parle, ſi vous me parlez, & bref de toutes choſes[1]

  1. Leibniz ajoute : « J’ay la ſuite ailleurs. » (Voir, en effet, ci-avant, p. 493.) — Ici finit l’extrait du fragment ; puis viennent quelques réflexions de Tschirnhaus, imprimées dans Gerhardt : Der Briefwechsel von Gottfried Wilhelm Leibniz mit Mathematikern (Berlin, 1899). Voicy ces reflexions : « Dieses hat mir nicht uneben geſallen, und vermeinet, wo M. Cartes alle seine wercke in solcher manier verſertiget, es würde von mehren assequirt sein worden, habe es also selbigen gerne mittheilen » wollen, wiewohl etwas noch dran manquiret, welches der Hr. Clerselier vor mich abschreiben lasset, se den Hrn. Mohr übergeben werde, der solches verhoſſet. » (Page 327.)