Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/83

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ſeulement i’ay icy quelque intereſt de les dire, mais peut-eſtre auſſy que le public en a de les ſçauoir.

Ie n’ay iamais fait beaucoup d’eſtat des choſes qui venoient de mon eſprit, & pendant que ie n’ay recueilly d’autres fruits de la methode dont ie me ſers, ſinon que ie me ſuis ſatisfait, touchant quelques difficultez qui appartienent aux ſciences ſpeculatiues, ou bien que i’ay taſché de regler mes meurs par les raiſons qu’elle m’enſeignoit, ie n’ay point creu eſtre obligé d’en rien eſcrire. Car, pour ce qui touche les meurs, chaſcun abonde ſi fort en ſon ſens, qu’il ſe pourroit trouuer autant de reformateurs que de teſtes, s’il eſtoit permis a d’autres qu’a ceux que Dieu a eſtablis pour ſouuerains ſur ſes peuples, ou bien auſquels il a donné aſſez de grace & de zele pour eſtre prophetes, d’entreprendre d’y rien changer ; et bien que mes ſpeculations me pleuſſent fort, i’ay creu que les autres en auoient auſſy, qui leur plaiſoient peut-eſtre dauantage. Mais, ſitoſt que i’ay eu acquis quelques notions generales touchant la Phyſique, & que, commençant a les eſprouuer en diuerſes difficultez particulieres, i’ay remarqué iuſques où elles peuuent conduire, & combien elles different des principes dont on s’eſt ſerui iuſques a preſent, i’ay creu que ie ne pouuois les tenir cachées, ſans pecher grandement contre la loy qui nous oblige a procurer, autant qu’il eſt en nous, le bien general de tous les hommes. Car elles m’ont fait voir qu’il eſt poſſible de paruenir a des connoiſſances qui ſoient fort vtiles a la vie, & qu’au lieu de cete Philoſophie ſpeculatiue, qu’on enſeigne dans les eſcholes, on en peut trouuer