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roient mieux en toute choſe ; mais plutoſt qu’ils n’en ont point, & que c’eſt la Nature qui agiſt en eux, ſelon la diſpoſition de leurs organes : ainſi qu’on voit qu’vn horologe, qui n’eſt compoſé que de rouës & de reſſors, peut conter les heures, & meſurer le tems, plus iuſtement que nous auec toute noſtre prudence.

I’auois deſcrit, aprés cela, l’ame raiſonnable, & fait voir qu’elle ne peut aucunement eſtre tirée de la puiſſance de la matiere, ainſi que les autres choſes dont i’auois parlé, mais qu’elle doit expreſſement eſtre creée ; et comment il ne ſuffit pas qu’elle ſoit logée dans le cors humain, ainſi qu’vn pilote en ſon nauire, ſinon peuteſtre pour mouuoir ſes membres, mais qu’il eſt beſoin qu’elle ſoit iointe & vnie plus eſtroitement auec luy, pour auoir, outre cela, des ſentimens & des appetits ſemblables aux noſtres, & ainſi compoſer vn vray homme. Au reſte, ie me ſuis icy vn peu eſtendu ſur le ſuiet de l’ame, a cauſe qu’il eſt des plus importans ; car, aprés l’erreur de ceux qui nient Dieu, laquelle ie penſe auoir cy deſſus aſſez refutée, il n’y en a point qui eſloigne plutoſt les eſprits foibles du droit chemin de la vertu, que d’imaginer que l’ame des beſtes ſoit de meſme nature que la noſtre, & que, par conſequent, nous n’auons rien a craindre, ny a eſperer, aprés cete vie, non plus que les mouſches & les fourmis ; au lieu que, lorſqu’on ſçait combien elles different, on comprent beaucoup mieux les raiſons, qui prouuent que la noſtre eſt d’vne nature entierement independante du cors, & par conſequent, qu’elle n’eſt point ſuiette a mourir auec luy ; puis, d’autant