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pour expliquer la nutrition, & la production des diuerſes humeurs qui ſont dans le cors, ſinon de dire que la force, dont le ſang en ſe rarefiant paſſe du cœur vers les extremitez des arteres, fait que quelques vnes de ſes parties s’areſtent entre celles des membres où elles ſe trouuent, & y prenent la place de quelques autres quelles en chaſſent ; et que, ſelon la ſituation, ou la figure, ou la petiteſſe des pores qu’elles rencontrent, les vnes ſe vont rendre en certains lieux plutoſt que les autres, en meſme façon que chaſcun peut auoir vû diuers cribles, qui eſtant diuerſement percez ſeruent a ſeparer diuers grains les vns des autres ? Et enfin ce qu’il y a de plus remarquable en tout cecy, c’eſt la generation des eſprits animaux, qui ſont comme vn vent tres ſubtil, ou plutoſt comme vne flame tres pure & tres viue, qui, montant continuellement en grande abondance du cœur dans le cerueau, ſe va rendre de là par les nerfs dans les muſcles, & donne le mouuement a tous les membres ; ſans qu’il faille imaginer d’autre cauſe, qui face que les parties du ſang, qui, eſtant les plus agitées & les plus penetrantes, ſont les plus propres a compoſer ces eſprits, ſe vont rendre plutoſt vers le cerueau que vers ailleurs ; ſinon que les arteres, qui les y portent, ſont celles qui vienent du cœur le plus en ligne droite de toutes, & que, ſelon les regles des Mechaniques, qui ſont les meſmes que celles de la nature, lorſque pluſieurs choſes tendent enſemble a ſe mouuoir vers vn meſme coſté, où il n’y a pas aſſez de place pour toutes, ainſi que les parties du ſang qui ſortent de la concauité gauche du cœur tendent vers le cerueau,