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leil tres clairement, nous ne deuons pas iuger pour cela qu’il ne ſoit que de la grandeur que nous le voyons ; et nous pouuons bien imaginer diſtinctement vne teſte de lion entée ſur le cors d’vne cheure, ſans qu’il faille conclure, pour cela, qu’il y ait au monde vne Chimere : car la raiſon ne nous dicte point que ce que nous voyons ou imaginons ainſi ſoit veritable. Mais elle nous dicte bien que toutes nos idées ou notions doiuent auoir quelque fondement de verité ; car il ne ſeroit pas poſſible que Dieu, qui eſt tout parfait & tout veritable les euſt miſes en nous ſans cela. Et pourceque nos raiſonnemens ne ſont iamais ſi euidens ny ſi entiers pendant le ſommeil que pendant la veille, bien que quelquefois nos imaginations ſoient alors autant ou plus viues & expreſſes, elle nous dicte auſſy que nos penſées ne pouuant eſtre toutes vrayes, a cauſe que nous ne ſommes pas tous-parfaits, ce qu’elles ont de verité doit infalliblement ſe rencontrer en celles que nous auons eſtant eſueillez, plutoſt qu’en nos ſonges.


Cinquiesme
partie
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Ie ſerois bien ayſe de pourſuiure, & de faire voir icy toute la chaiſne des autres veritez que i’ay deduites de ces premieres. Mais, a cauſe que, pour cet effect, il ſeroit maintenant beſoin que ie parlaſſe de pluſieurs queſtions, qui ſont en controuerſe entre les doctes, auec leſquels ie ne deſire point me brouiller, ie croy qu’il ſera mieux que ie m’en abſtiene, & que ie die ſeulement en general quelles elles ſont, affin de laiſſer iuger aux plus ſages, s’il ſeroit vtile que le public en fuſt plus particulierement informé. Ie ſuis