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gliſſer auparauant. Non que i’imitaſſe pour cela les Sceptiques, qui ne doutent que pour douter, & affectent d’eſtre touſiours irreſolus : car, au contraire, tout mon deſſein ne tendoit qu’a m’aſſurer, & a reietter la terre mouuante & le ſable, pour trouuer le roc ou l’argile. Ce qui me reuſſiſſoit, ce me ſemble, aſſez bien, d’autant que, taſchant a deſcouurir la fauſſeté ou l’incertitude des propoſitions que i’examinois, non par de foibles coniectures, mais par des raiſonnemens clairs & aſſurez, ie n’en rencontrois point de ſi douteuſes, que ie n’en tiraſſe touſiours quelque concluſion aſſez certaine, quand ce n’euſt eſté que cela meſme qu’elle ne contenoit rien de certain. Et comme en abatant vn vieux logis, on en reſerue ordinairement les demolitions, pour ſeruir a en baſtir vn nouueau ; ainſi, en détruiſant toutes celles de mes opinions que ie iugeois eſtre mal fondées, ie faiſois diuerſes obſeruations, & acquerois pluſieurs experiences, qui m’ont ſerui depuis a en eſtablir de plus certaines. Et de plus, ie continuois a m’exercer en la Methode que ie m’eſtois preſcrite ; car, outre que i’auois ſoin de conduire generalement toutes mes penſées ſelon ſes reigles, ie me reſeruois de tems en tems quelques heures, que i’employois particulierement a la prattiquer en des difficultez de Mathematique, ou meſme auſſy en quelques autres que ie pouuois rendre quaſi ſemblables a celles des Mathematiques, en les détachant de tous les principes des autres ſciences, que ie ne trouuois pas aſſez fermes, comme vous verrés que i’ay fait en pluſieurs qui ſont expliquées en ce volume. Et ainſi, ſans viure d’autre