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mieux, ce me ſemble, que ſi ie ne me fuſſe iamais eſloigné, ny de mon païs, ny de mes liures.


Seconde
partie
.

I’eſtois alors en Allemaigne, ou l’occaſion des guerres qui n’y ſont pas encore finies m’auoit appelé ; & comme ie retournois du couronnement de l’Empereur vers l’armée, le commencement de l’hyuer m’areſta en vn quartier, ou ne trouuant aucune conuerſation qui me diuertiſt, & n’ayant d’ailleurs, par bonheur, aucuns ſoins ny paſſions qui me troublaſſent, ie demeurois tout le iour enfermé ſeul dans vn poëſle, ou i’auois tout loyſir de m’entretenir de mes penſées. Entre leſquelles, l’vne des premieres fut que ie m’auiſay de conſiderer, que ſouuent il n’y a pas tant de perfection dans les ouurages compoſez de pluſieurs pieces, & faits de la main de diuers maiſtres, qu’en ceux auſquels vn ſeul a trauaillé. Ainſi voit on que les baſtimens qu’vn ſeul Architecte a entrepris & acheuez, ont couſtume d’eſtre plus beaux & mieux ordonnez, que ceux que pluſieurs ont taſché de racommoder, en faiſant ſeruir de vieilles murailles qui auoient eſté baſties a d’autres fins. Ainſi ces ancienes citez, qui, n’ayant eſté au commencement que des bourgades, ſont deuenuës, par ſucceſſion de tems, de grandes villes, ſont ordinairement ſi mal compaſſées, au pris de ces places regulieres qu’vn Ingenieur trace a ſa fantaiſie dans vne plaine, qu’encore que, conſiderant leurs edifices chaſcun a part, on y trouue ſouuent autant ou plus d’art qu’en ceux des autres, toutefois, a voir comme ils ſont arrangez, icy vn grand, là vn petit, & comme ils rendent les rues courbées & ineſgales, on