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LA DIOPTRIQVE


Diſcours Premier.
DE LA LVMIERE.


Toute la conduite de noſtre vie depend de nos ſens, entre leſquels celuy de la veüe eſtant le plus vniuerſel & le plus noble, il n’y a point de doute que les inuentions qui ſeruent a augmenter ſa puiſſance ne ſoyent des plus vtiles qui puiſſent eſtre. Et il eſt malaiſé d’en trouuer aucune qui l’augmente dauantage que celle de ces merueilleuſes lunettes, qui, n’eſtant en vſage que depuis peu, nous ont deſia découuert de nouueaus aſtres dans le ciel, & d’autres nouueaus obiets deſſus la terre, en plus grand nombre que ne ſont ceus que nous y auions veus auparauant : en ſorte que, portant noſtre veüe beaucoup plus loin que n’auoit couſtume d’aller l’imagination de nos peres, elles ſemblent nous auoir ouuert le chemin pour paruenir a vne connoiſſance de la Nature beaucoup plus grande & plus parfaite qu’ils ne l’ont eue. Mais, a la honte de nos ſciences, cette inuention, ſi vtile & ſi admirable, n’a premie-