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82 Correspondance. i, i-».

fens que les Philofophes anciens en ont parlé ; et îe tiens ce commandement pour vne fi grande faneur, que le defir que i'ay d'y obeïr me détourne de toute autre penfée, & fait que, fans excufer mon infuffi- fance, ie mettray icy, en peu de mots, tout ce que ie 5 pourray fçauoir fur cette matière.

On peut confiderer la bonté de chaque chofe en elle-mefme, fans la rapporter à autruy, auquel fens il eft euident que c'eft Dieu qui eft le fouuerain bien, pource qu'il eft incomparablement plus parfait que lo les créatures ; mais on peut auffi la rapporter à nous, & en ce I fens, ie ne voy rien que nous dénions eftimer bien, finon ce qui nous appartient en quelque façon, & qui eft tel, que c'eft perfedion pour nous de l'auoir. Ainfi les Philofophes anciens, qui, n'eftant point i5 éclairez de la lumière de la Foy, ne fçauoient rien de la béatitude furnaturelle, ne confideroient que les biens que nous pouuons pofleder en cette vie ; & c'eftoit entre ceux-là qu'ils cherchoient lequel eftoit le fouuerain, c'eft à dire le principal & le plus grand. 20

Mais, afin que ie le puiffe déterminer, ie confidere que nous ne deuons eftimer biens, à noftre égard, que ceux que nous pofledons, ou bien que nous auons pouuoir d'acquérir. Et cela pofé, il me femble que le fouuerain bien de tous les hommes enfemble eft vn zS amas ou vn aflemblage de tous les biens, tant de l'ame que du corps & de la fortune, qui peuuent eftre en quelques hommes ; mais que celuy d'vn chacun en particulier eft toute autre chofe, & qu'il ne confifte qu'en vne ferme volonté de bien faire, & au conten- 3o tement qu'elle produit. Dont la raifon eft que ie ne

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