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��Tome II. 651

��» applaudiffement & admiration, doit conuier tous ceux qui ont » quelque defir de connoiitre & de le détromper, à l'honorer quel- » quesfois de leur prefence, & fe rendant les fpedateurs des expe- » riences que l'on y fait, le rendre auiH les luges & les Arbitres des » explications qu'on leur donne. Car pourquoy s'en rapporter au » iuge'ment d'autruy, qui bien fouuent elt celuy d'vne perfonne » ignorante, ou qu'vn faux honneur engage à ne pas relafcher de » fon premier fentiment, quand on peut s'en éclaircir foy-mefme, » & demander à fa propre raifon ce que l'on en doit croire ? Ce n'eft » pas en ces chofes qui ont efté laiffées à la difpute des hommes » iufqu'à ce que la vérité fe découure elle-mefme, que l'authorité » doit auoir lieu. le veux bien que, tant que notre raifon ci\ trop » foible pour fe conduire, on obeïlTe à celle des autres ; mais quand » l'âge nous a vne fois tirez de la fujeftion de nos Précepteurs & » qu'il nous lailTe à nous-mefmes, comme la meilleure marque que » nous ayons pu donner de la bonté de noftre efprit a efté de nous » foùmettre à la raifon d'autruy pendant noflre enfance, ce feroit » auffi 1 vne marque de lafcheté & de baffefTe, fi nous demeurions )) dans cette aueugle foûmilTion, & fi nous nous contentions tou- » fiours de croire nos Maiftres, en des chofes que nous auons droit » d'examiner auffi bien qu'eux à noftre tour, iufqu'à iuger de leurs » iugemens, & les pezer contre les noftres. C'eft en cela mefme » que ces grands hommes dont l'on vante tant l'authorité, nous » doiuent feruir d'exemple : & Ariftote, tout le premier, eft celuy » de tous les Anciens qui a le moins déféré aux fentimens de ceux ). qui l'auoient précédé,- & qui a le plus librement repris leurs opi- y nions. C'eft pourquoy l'on ne fera point d'injure à ce Philofophe, » fi, après vn règne de deux mille ans, on le traitte de la mefme » façon qu'il a traitté fes contemporains : quelque refped qu'il ait » eu pour fon maîftre, il a crû que la vérité luy deuoit eftre plus » vénérable ; & quoy qu'il n'ait pas mieux reufll dans la rechercne » qu'il en a faite, le motif qui l'a porté à s'écarter du chemin des » autres, n'en a pas efté moins louable. »

(< Auffi voyons-nous tous les iours que ceux mefmes qui font pro- » felTion d'enfeigner fes opinions, vfant de cette liberté raifonnable » qui nous fait préférer le vray au faux & le certain au douteux, ne )' font point de fcrupule de s'éloigner de fes fentimens, & fe donnent » la liberté de le contredire, quand ils croyent qu'il fe foit mépris; » ou fi le refpecl en retient encore quelques-vns, ils tentent toutes » fortes de voyes pour luy faire dire les chofes comme ils penfent » qu'il les a dû dire. Et c'eft delà que vient ce grand nombre d'opi-

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