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6i6 Préfaces de Clerselier. (i-^^

» mais ie ne penfe pas que ce foit rien faire contre ma parole, que » de vous prefenter ce qui vous appartient. Pour moy, ie croy que, » d'en vfer de la forte, c'eft moins vn prefent, que ce n'eft: vne » rellitution : car auec quelle grâce nurois-ie pu le faire fortir de » mes mains, pour le faire paffer dans celles du Public, lans le » remettre premièrement entre 'les voftres, & par ce moyen luy » faire fçauoir à qui il a la principale obligation du don que ie luy » fais. En efTet, | la fortune ayant mis en voflre poffeffion tous » les biens qu'on peut dire auoir véritablement appartenu à feu » Monfieur Defcartes, & vous ayant ainfi fait héritier des plus » belles richefles de fa fucceffion, il dépendoit de vous abfolumcnt » de vous les approprier, fans rien faire contre l'étroitte iuflice, ou » de n'en faire part qu'à vos amis, fans que les autres s'en puflent )i plaindre. Mais voftre ame efl trop grande & trop genereufe pour )) n'edre libérale qu'à demy; accoulluuiée qu'elle efl, depuis tant de » tems, à trauailler pour l'interefl des Souuerains & des Peuples, » elle n'a point voulu polTeder ce trefor toute feule; & condamnant » l'auarice ou l'ambition de ces perfonnes qui prennent plaifir à fe » voir feules ou plus riches ou plus auantagées que les autres, elle )i s'eft toufiours refoluë de le pofleder auec tout le monde. C'efl la » première penfée que vous auez eue, quand vous eftes entré dans » cette opulente fucceiïion ; voftre deffein n'a point efté d'en fruftrer » les naturels, ny mefme les eftrangers, mais d'en enrichir vn » chacun, & de la donner toute à tous, n'eftant compofée que de » ces biens, lefquels, bien loin de diminuer par la part qu'y » prennent les autres, augmentent par cela mefme de prix & de )i valeur. C'eft vne vérité dont ie puis rendre témoignage en rnon » particulier, puifque c'eft en partie pour ce fujet que vous auez » bien voulu m'en faire fi longtemps le depofitaire, afin qu'après » auoir mis le prix fur chaque pièce, & diftingué par mefme moyen » les plus rares d'auec les plus communes, ie les mifle en eftat de » paroiftre toutes, pour en laiffer après cela le jugement & le choix » au Public. Ce n'eft donc pas pour trouuer vn Patron & vn Pro- » testeur à ce liure, que ie vous le prefente auiourd'huy. C'eft pour » m'acquitter de mon deuoir, qui vouloit de moy que ie fifle con- » noiftre à tout le monde, auec quelle équité vous le gardiez & à » quel titre ie l'auois receu. AuOl, Monfieur, n'ay-ie point confideré » en vous cet homme fçauunt' qui le pouuoit deffendre, s'il eftoit

a. La réputation de Chaiiut comme savant fut établie de bonne heure à Paris, ainsi qu'en témoigne une lettre de Luillier à Peiresc, du ig avril 1634 : « ... un M' Chinut, thresorier de France en Auvergne, duquel

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