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5^8 Correspondance. 11,561-562.

qu'elle peut venir à tous momens, & que nous ne fçaurions faire aucune adion qui ne foit capable de la caufer : fi nous mangeons vn morceau de pain, il fera peut-eftre empoifonné; fi nous paflbns par vne rue, quelque tuile peut-eflre tombera d'vn toid, qui nous 5 écrafera, & ainfi des autres. C'eft pourquoy, puis que nous viuons parmy tant de hazards inéuitables, il me femble que la fagelTe ne nous defFend pas de nous expofer auffi à celuy de la guerre, quand vne belle & iulle occafion nous y oblige, pourueu que ce foit fans 10 témérité, & que nous ne refufions pas de porter des armes à l'épreuue, autant qu'il fe peut. Enfin ie croy que, quelques agréables que foient les diuertiffemens que nous choifiifons de nous-mefmes, ils ne nous em- pefchent point tant de penfer à nos incommoditez, i5 que font ceux aufquels nous fommes obligez par quelque deuoir ; & que noftre cors s'accouftume fi fort au train de vie que nous menons, qu'il arriue bien plus fouuent qu'on s'incommode en fa fanté, lors qu'on le change, que non pas qu'on la rende meilleure, 20 principalement quand le changement eft trop fubit. C'eft pourquoy il me femble que le meilleur eft de ne paffer d'vne extrémité à l'autre que par degrez. Pour moy, auant que ie vinfe en ce pais pour y chercher la folitude, ie pafi^ay vn hyuer en Franceà la campagne, 25 où ie fis mon apprentiftage ; & fi i'eftois engagé en quelque train de vie, dans lequel] mon indifpofition ne me permift pas de perfifter long-temps, ie ne vou- drois point diflimuler cette indifpofition, mais pluftoft la faire paroiftre plus grande qu'elle ne feroit, afin 3o de me pouuoir difpenfer honneftement de toutes les

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