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474 Correspondance.

» et se fit tirer du sang deux fois en peu d'heures, ce qu'il auoit tousiours » refusé. Mais il iugea bien qu'il estoit tard, et le huictiesme il me dist » que pendant la nuict il auoit fait son compte et s'estoit résolu a sortir » du monde sans peine et auec assurances aux miséricordes de Dieu. n II adiousta quelques autres discours fermes et pieux, et dignes d'vn » homme non seulement philosophe, mais religieux, qui nous donnoit » a tous vn exemple de pureté et de probité dans la vie, et qui vn mois » auparauant auoit faict les deuoirs d'vn véritable catholique. Nous » fusmes neantmoins bien trompez, luy et moy, dans l'estime de ses » forces ; car il fut plus pressé que nous n'auions pensé : la nuict sui- » uante, l'oppression de sa poictrine augmenta iusqu'a luy oster la res- » piration. Il se sentit finir sans trouble et sans inquiétude; et n'aiant » pas la parolle libre, il nous donna des signes plusieurs fois répétez qu'il » se retiroit content de la vie et des hommes, et confiant en la bonté de » Dieu. Je crois, Madame, que s'il cust pensé le iour précèdent estre si » proche de sa fin, ayant encore la parolle libre, il m'eust recommandé » plusieurs choses de ses dernières volontez, et m'eust en particulier or- » donné de faire sçauoir a vosire Altesse Royale qu'il mouroit dans le » mesme respect qu'il a eu pour elle pendant sa vie, et qu'il m'a souvent » tesmoigné par des parolics plaines de reuerence et d'admiration. Et » puisque ie sçay qu'il m'auroit charge de rendre pour luy a vostre » Altesse Royale, autant qu'il me seroit possible, tous les respects et les » obéissances qu'il luy debuoit, ie me tiens engagé, plus que tout le reste » des hommes, a estre toute ma vie auec ardeur et affection,

» Madame, » de vostre Altesse Royale, » Le très humble, etc. . . » {Ib., p. 3oo-?o5.)

Le MS. de là Bibl. Nat. s'arrête ici. Un autre MS., aux Archives des Affaires étrangères, donne en outre le Post-Scriptum suivant :

« Si M. l'Ambassadeur de Brandebourg s'informe de ce qu'il y a dans » ce paquet, ie luy respondray que ce sont quelques papiers de feu M. Des- » cartes que ie suis chargé d'envoyer à vostre Altesse Royale, que ie sup- » plie très- humblement de me faire sçauoir quand elle les aura receus. »

Ces quatre lettres de Chanui ont été publiées par A. Boulay de la Meurthe, p. 37-42 d'une étude sur les Monuments funéraires de Des- cartes, 1. XXI II, Mémoires de la Société Archéologique de Tour aine. (Tours, 1873.)

Baillet, rappelant la conduite de Chanut au lendemain de la mort de Descartes, ajoute en marge: « M. Chanut renvoya à la Princesse Eliza- » beth les lettres qu'elle avoit écrites à M. Descartes. Et cette Princesse » ne voulut point permettre qu'on en imprimât aucune avec celles de » M. Descartes. » [Vie de Mons. Des-Cartes, II, 428.) On n'a point les

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