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264 Correspondance. 1,489-490.

vne extrême afflidion, à caufe de la maladie d'vn iien enfant dont il attendoit la mort à chaque moment, & que, pendant qu'il efloit auprès de luy, on le vint ap- peller pour fecourir fon beaufrere, qui eftoit attaqué par leur commun ennemy. Ce qui fait que ie ne trouue 5 nullement étrange, de ce qu'il ne fut pas maiftre de foy-mefme en telle rencontre : car , lors qu'on a quelque grande afflidion, & qu'on eft mis au defefpoir par la trifteffe, il eft certain qu'on fe laiffe bien plus emporter à la colère, s'il en furuient alors quelque 10 fuiet, qu'on ne feroit^ en vn autre tems. Et ce font or- dinairement les meilleurs hommes, qui, voyans d'vn cofté la mort d'vn fils & de l'autre le péril d'vn frère, en font le plus violemment émus. C'eft pourquoy les fautes ainfi commifes, fans aucune malice préméditée, 1 5 font, ce me semble, les plus excufables. AufTi luy fut- |il pardonné par tous les principaux parens du mort, au iour mefme qu'ils eftoient affemblez pour le mettre enterre. Et de plus les luges d'icy l'ont abfous, mais par vne faueur trop précipitée, laquelle ayant obligé 20 le Fifcal à fe porter apellant de leur fentence, il n'ofe pas fe prefenter derechef deuant la luftice, laquelle doit fuiure la rigueur des loix, fans auoir égard aux perfonnes ; mais il fuplic que l'innocence de fa vie paiTée luy puiffe faire obtenir grâce de fon AltefTe. î5 le fçay bien qu'il eft tres-vtile de laiffer quelquefois faire des exemples, pour donner de la crainte aux mé- chans; mais il me femble que le fuiet qui fe prefente n'y eft pas propre; car, outre que, le criminel eftant abfent, tout ce qu'on luy peut faire neft que de lem- 3o

a. Lire : ferait ?

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