Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, IX.djvu/92

Cette page n’a pas encore été corrigée

66 OEuvREs DE Descartes. 82-84.

point au compole de l'efprit & du corps, qu'il appartient de con- noiftre la vérité de ces chofes-là.

|Ainfi, quoy qu'vne eftoille ne face pas plus d'imprefTion en mon œil que le feu d'vn petit flambeau, il n'y a toutesfois en moy au- cune faculté réelle ou naturelle, qui me porte à croire qu'elle n'eft pas plus grande que ce feu, mais le l'ay iugé ainfi dés mes pre- mières années fans aucun raifonnable fondement. Et quoy qu'en aprochant du feu ie fente de la chaleur, & mefme que m'en ap- prochant vn peu trop prés ie reffente de la douleur, il n'y a toutesfois aucune raifon qui mepuilfe perfuader qu'il y a dans le feu quelque chofe de femblable à cette chaleur, non plus qu'à cette douleur; mais feulement i'ay raifon de croire qu'il y a quelque chofe en luy, quelle qu'elle puilie eflre.. qui excite en moy ces fentimens de chaleur ou de douleur.

104 |De mefme auffi, quoy qu'il y ait des eipaces dans lefqueis ie ne trouue rien qui excite & meuue mes fens, ie ne dois pas conclure pour cela que ces efpaces ne contiennent en eux aucun corps ; mais ie voy que, tant en cecy qu'en plufieurs autres chofes femblables, i'ay accouftumé de peruertir & confondre l'ordre de la nature, parce que ces fentimens ou perceptions des fens n'ayant efté mifes en moy que pour fignitîer à mon efprit quelles choies font conue- nables ou nuifible.s au compofé dont il eft partie, & iufques là eflant affez claires & aflez diftindes, ie m'en fers neantmoins comme fi elles eftoient des règles très-certaines, par lefquelles ie peuffe con- noiflre immédiatement l'eflence & la nature des corps qui font hors de moy, de laquelle toutesfois elles ne me peuuent rien enfeigner que de fort obfcur & confus.

Mais i'ay défia cy-deuant affez examiné comment, nonobstant la fouueraine bonté de Dieu, il arriue qu'il y ait de la fauffeté dans les iugemens que ie fais en cette forte. Il fe prefente feulement encore icy vne difficulté touchant les chofes que la nature m'enfeigne de- uoir eftre fuiuies ou euitées, & aufli touchant les fentimens inté- rieurs qu'elle a mis en moy; car il me femble y auoir quelquefois remarqué de l'erreur, & ainfi que ie fuis diredement trompé par ma nature. Comme, par exemple, le gouft agréable de quelque viande, en laquelle on aura meflé du poifon, peut m'inuiter à prendre ce poifon, & ainfi me tromper. |I1 eft vray toutesfois qu'en cecy la na-

105 ture I peut eftre excufée, car elle me porte feulement à defirer la viande dans laquelle ie" rencontre vne faueur agréable, & non point

a. Lire fe comme dans la 2' et la 3' édition ?

�� �