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��OEuvRES DE Descartes. 47-48.

��exifte feulement en puiffance, lequel à proprement parler n'eft rien, mais feulement par vn eûre formel ou actuel.

Et certes ie ne voy rien en tout ce que ie viens de dire, qui ne foit tres-aifé à connoiftre par la lumière naturelle à tous ceux qui voudront y penfer foigneufement ; mais lorfque ie relâche quelque chofe de mon attention, mon efprit fe trouuant obfcurcy 8.. comme aueuglé par les images des chofes fenfibles, ne fe reffouuient pas facilement de la raifon pourquoy l'idée que i'ay d'vn eflre plus par- fait que le mien, doit necefiairement auoir efté mife en moy par vn eftre qui foit en effet plus parfait.

53 I C'eft pourquoy ie veux icy paffer outre, & confiderer | fi moy- mel'me, qui ay cette idée de Dieu, ie pourrois eftre, en cas qu'il n'y euft point de Dieu. Et ie demande, de qui aurois-je mon exiflence? Peut-eftre de moy-mefme, ou de mes parens, ou bien de quelques autres caufes moins parfaites que Dieu ; car on ne fe peut rien ima- giner de plus parfait, ni mei'me d'égal à luy.

Or, fi i'eftois indépendant de tout autre, & que ie fuffe moy- mefme l'auteur de mon eftre, certes ie ne douterois d'aucune chofe, ie ne conceurois plus de defirs, & enfin il ne me manqueroit au- cune perfection ; car ie me ferois donné moy-mefme toutes celles dont i'ay en moy quelque idée, & ainfi ie ferois Dieu.

Et ie ne me dois point imaginer que les chofes qui me manquent font peut-eftre plus difficiles à acquérir, que celles dont ie fuis defia en poffeffion ; car au contraire il efl très-certain, qu'il a efté beau- coup plus difficile, que moy, c'eft à dire vne chofe ou vne fubftance qui penfe, fois forty du néant, qu'il ne me feroit d'acquérir les lumières & les connoiffances de plufieurs chofes que i'ignore, & qui ne font que des accidens de cette fubftance. Et ainfi fans diffi- culté, fi ie m'ei^ois moy-melme donné ce plus que ie viens de dire, c'eft à dire fi i'eftois l'auteur de ma nailTance & de mon exiftence, ie ne me ferois pas priué au moins des chofes qui font de plus facile acquifition, à fçauoir, de beaucoup de connoifl'ances dont ma nature

54 eft dénuée ; ie ne me ferois pas | priué non plus d'aucune des chofes qui font contenues dans l'idée que ie conçoy de Dieu, parce qu'il n'y en a aucune qui me lemble de plus difficile acquifition; & s'il y en auoit quelqu'vne, certes elle me paroiftroit telle (fuppofé que i'eufi"e de moy toutes les autres chofes que ie poffede), puifque i'experimenterois que ma puilfance s'y termineroit, & ne feroit pas capable d'y arriuer.

Et encore que ie puilfc fuppofer que peut-eftre i'ay toufiours efté comme ie fuis maintenant, ie ne fçaurois pas pour cela euiter la force

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