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Principes. — Quatriesme Partie. } i <,

empefché en quelque endroit de l'efpace qui eft entre-deux, cela fuffit pour ofter | le fentiment à la partie du corps où font les extremitez de ce nerf. Et, outre cela, nous fentons quelquefois de la douleur, comme fi elle eftoit en quelques vns de nos membres, dont la caufe n'eft pas en ces membres où elle fe fent, mais en quelque Vi&u plus proche du cerueau par où paffent les nerfs qui en domient à l'ame le fentiment. Ce que je pourrois prouuer par plufienrs expériences; mais je me contenteray icy d'en mètre vnefort manifejîe. On auoit couftume de bander les yeux à vne jeune fille, lors que le Chirur- gien la venoit penfer d'vn mal qu'elle auoit à la main, à caufe qu'elle n'en pouuoit fupporter la veuë, & la gangrène s'eftant mife à fon mal, on fut contraint de luy couper jufques à la moitié du bras, ce qu'on fît fans l'en auertir, pource qu'on ne la voulait pas attrifler; & on luy attacha plufieurs linges liez l'vn fur l'autre en la place de ce qu'on auoit coupé, en forte qu'elle demeura long-temps après fans le fçauoir. Et ce qui eft en cecf remai-quable, elle ne laiffoit pas cependant d'auoir diuerfes douleurs qu'elle penfoit eftre dans la main qu'elle n'auoit plus, & de fe plaindre de ce qu'elle fentoit tantoit en l'vn de fes doigts, & tantoft à l'autre. De quoy on ne fçauroit donner d'autre raifon, finon que les nerfs... de fa main, qui 'finifl"oient alors vers le coude, y eftoient meus | en la mefme façon qu'ils auroient deu eftre auparauant dans les extremitez de fes doigts pour faire auoir à l'ame dans le cerueau le lentiment de femblables douleurs. Et cela montre éuidemment que la douleur de la main n'eft pas fentie par l'ame en tant qu'elle eft dans la main, mais en tant qu'elle ejl dans le cerueau\

ipj. Comment on prouue qu'elle eji de telle nature que lefeul mouuement de quelque corps fuffit pour luy donner toute forte defentimens.

On peut aufli prouuer fort ajfément que noftre ame eft de telle nature que les feuls mouuemens qui fe font dans le corps font fuffi- fans pour luy faire auoir toutes fortes de pcnfées, fans qu'il foit befoin qu'il y ait en eux aucune chofe qui rejfemble à ce qu'ils luy font conceuoir; & particulièrement, qu'ils peuuent exciter en elle ces penfées confufes qui s'appellent des fentimens... Car, premièrement, nous voyons que les paroles, foit proférées de la voix, foit écrites fur du papier, luy font conceuoir toutes les chofes qu'elles fignifient,

a. Sic, à Verrata. Le texte imprimé d'abord : « ...par l'ame en tant qu'elle eft dans le cerueau ».

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