Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, IX.djvu/60

Cette page n’a pas encore été corrigée

34 OEuvRES DE Descartes. 42-44-

gneufement recherchez, & ie n'en ay peu trouuer aucun autre iufqu'à prelent.

Or entre ces idées, outre celle qui me reprefente à moy-mefme, de laquelle il ne peut y auoir icy aucune difficulté, | il y en a vne autre qui me reprefente vn Dieu, d'autres des chofes corporelles & inanimées, d'autres des anges, d'autres des animaux, & d'autres enfin qui me reprefentent des hommes femblables à moy. Mais pour ce qui regarde les idées qui me reprefentent d'autres hommes, ou des animaux, ou des anges, ie conçoy facilement qu'elles peuuent eltre formées par le mélange & la compofition des autres idées que i'ay des chofes corporelles & de Dieu, encores que hors de moy il n'y eufl: point d'autres hommes dans le monde, ny aucuns animaux, ny aucuns anges. Et pour ce qui regarde les idées des chofes corporelles, ie n'y reconnois rien de fi grand ny de fi excel-

46 lent, qui ne me fem|ble pouuoir venir de moy-mefme ; car, fi ie les confidere de plus prés, & fi ie les examine de la mefme façon que i'examinay hier l'idée de la cire, ie trouue qu'il ne s'y rencontre que fort peu de chofes que ie conçoiue clairement & diftinélement : à fçauoir, la grandeur ou bien l'extenfion en longueur, largeur & profondeur; la figure qui efl: formée par les termes & les bornes de cette extenfion;Ia fituation que les corps diuerfement figurez gardent entr'eux; & le mouuement ou le changement de cette fituation; aufquelles on peut adjouter la fubftance, la durée, & le nombre. Quant aux autres chofes, comme la lumière, les couleurs, les fons, les odeurs, les faueurs, la chaleur, le froid, & les autres qualitez qui tombent fous l'attouchement, elles fe rencontrent dans ma penfée auec tant d'obfcurité & de confufion, que i'ignore mefme û elles font véritables, ou faufies & feulement apparentes, c'efi à dire fi les idées que ie conçoy de ces qualitez, font en effet les idées de quelques chofes réelles, ou bien fi elles ne me reprefentent que des eftres chymeriques, qui ne peuuent exifter. Car, encore que i'aye remarqué cy-deuant, qu'il n'y a que dans les iugemens que fe puilTe rencontrer la vraye & formelle faufieté, il fe peut neantmoins trouuer dans les idées vne certaine faulfeté matérielle, à fçauoir, lorfqu'elles reprefentent ce qui n'elT; rien comme fi c'efloit quelque chofe. Par exemple, les idées que i'ay du froid & de la chaleur font fi peu claires & fi peu diftincles, | que par leur moyen ie ne puis pas

47 difcerner fi le froid eft feulement vne priuation de la ] chaleur, ou la chaleur vne priuation du froid, ou bien fi l'vne & l'autre font des qualitez réelles, ou fi elles ne le font pas ; & d'autant que, les idées eftant comme des images, il n'y en peut auoir aucune qui ne

�� �