Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, IX.djvu/57

Cette page n’a pas encore été corrigée

39-40. Méditations. — Troisième. j i

Et pour l'autre railbn, qui eft que ces idées doiuent venir d'ail- leurs, puifqu'elles ne dépendent pas de ma volonté, ie ne la trouue non plus conuaincante. Car tout de mefme que ces inclinations, dont ie parlois tout maintenant, fe trouuent en moy, nonobltant qu'elles ne s'accordent pas toufiours auec ma volonté, ainfi peut- eftre qu'il y a en moy quelque faculté ou puiffance propre à pro- duire ces idées fans l'ayde d'aucunes chofes extérieures, bien qu'elle ne me foit pas encore connue; comme en effet il m'a toufiours femblé iufques icy que, lorfque ie dors, elles fe forment ainfi en moy fans l'ayde des objets qu'elles reprefentent. Et enfin, encore que ie demeurafle d'accord qu'elles font caufées par ces objets, ce n'eft pas vne confequence neceffaire qu'elles doiuent leur eftre femblables. Au contraire, i'ay fouuent remarqué, en beaucoup d'exemples, qu'il y auoit vne grande différence entre l'objet & fon idée. Conmie, par exemple, ie trouue dans mon efprit deux idées du Soleil toutes diuerfes : l'vnc tire fon origine des fens, &; doit eftre placée dans le genre de celles que i'ay dit cy-deffus venir de dehors, par laquelle il me paroift extrêmement petit; l'autre eft I prile des raifons de l'Aftronomie, c'eft à dire de certaines notions 41 nées auec moy, ou enfin eft formée par moy-mefme de quelque forte que ce puiffe eftre, par laquelle il me paroift plufieurs fois plus grand que toute la terre. Certes, ces deux idées que ie conçoy du Soleil, ne peuuent pas eftre toutes deux femblables au mefme Soleil ; & la raifon me fait croire que celle qui vient immédiatement de fon apparence, eft celle qui luy eft le plus diffemblable.

Tout cela me fait aifez connoiftre que iufques à cette heure ce n'a point eilé | par vn iugement certain & prémédité, mais feulement par vne aueugle & téméraire impulfion, que i'ay creu qu'il y auoit des chofes hors de moy, & différentes de mon eftre, qui, par les organes de mes fens, ou par quelque autre moyen que ce puiffe eftre, enuoyoient en moy leurs idées ou images, & y imprimoient leurs reffemblances.

Mais il fe prefente encore vne autre voye pour rechercher fi, entre les chofes dont i'ay en moy les idées, il y en a quelques-vnes qui exiftent hors de moy. A fçauoir, fi ces idées font prifes en tant feulement que ce font de certaines façons de penfer, ie ne recon- nois entr'elles aucune différence ou inégalité, & toutes femblent procéder de moy d'vnc mefme forte ; mais, les confiderant comme des images, dont les vues reprefentent vne chofe & les autres vne autre, il eft euident qu'elles font fort différentes les vnes des autres. Car, en effet, celles qui me reprefentent des fubttances.

�� �