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124 OEuvREs DE Descartes.

qu'Adam & Eue n'ont pas efté créez enfans, mais en aage d'hommes parfaits. La Religion Chreftienne veut que nous le croyons ainfi, & la raifon naturelle nous perfuade abfolument cette vérité, pource que, confiderant la toute-puiffance de Dieu, nous deuons juger que tout ce qu'il a fait, a eu dés le commencement toute la perfedion

156 qu'il de|uoit auoir; mais neantmoins, comme on connoiftroit beau- coup mieux quelle a efté la nature d'Adam & celle des arbres du Paradis, fi on auo'it examiné comment les enfans fe forment peu à peu au rentre des mères, & comment les plantes fortent de leurs femences, que fi on auoit feulement confideré quels ils ont efté quand Dieu les a créez : tout de mefme, nous ferans mieux en- tendre quelle eft généralement la nature de toutes les chofes qui font au monde, fi nous pouuons imaginer quelques principes qui foient fort intelligibles & fort fimples, defquels nous facions voir clairement que les aftres & la terre, & enfin tout le monde vifible auroit pu eftre produit ainfi que de quelques femences, bien que nous fçachions qu'il n'a pas efté produit en cette façon ; que fi nous le décriuions feulement comme il eft, ou bien comme nous croyons qu'il a efté créé. Et pource que je penfe auoir trouué des principes qui font tels, je tafcheray icy de les expliquer.

46. Quelles font ces fuppofttions «.

Nous auons remarqué cy-def^us^ que tous' les corps qui com- pofent l'vniuers, font faits d'vne mefme matière, qui eft diuifible en toutes fortes de parties, & def-ja diuifée en plufieurs qui font meuës diuerfement, & dont les mouuemens font en quelque façon circu-

157 laires'; & qu'il y a touf-jours vne égale quantité de ces | mouuemens dans le monde : mais nous n'auons pu déterminer en mefme façon combien font grandes les parties aufquelles cette matière eft diuifée, ni quelle eft la vitefté dont elles fe meuuent, ni quels cercles elles décriuent. Car ces chofes ayant pu eftre ordonnées de Dieu en vne infinité de diuerfes façons, c'eft par la feule expérience, & non par la

force du raifonnement, qu'on peut fçauoir laquelle de toutes ces façons il a choifie. C'eft pourquoy il nous eft maintenant libre de fuppofer celle que nous voudrons, pourueu que toutes les chofes qui en feront déduites s'accordent entièrement avec l'expérience.

a. L'importance de cet article 46 a été signalée par Descartes lui-même ci-après, Partie IV, art. 206, fin.

h. Partie II, art. 4, 20, 22, 2?, 33, 36 et 40, pp. 65, 74, 75, 81, 83, 86. c. Voir Correspondance, t. V, p. 170.

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