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ABREGÉ

DES SIX MEDITATIONS SVIVANTES[1]



Dans la première, ie mets en auant les raiſons pour leſquelles nous pouuons douter generalement de toutes choſſes, & particulierement des choſes materielles, au moins tant que nous n'aurons point d'autres fondemens dans les ſciences, que ceux que nous auons eu juſqu'à preſent. Or, bien que l'vtilité d'vn doute ſi general ne paroiſſe pas d'abord, elle eſt toutesfois en cela tres-grande, qu'il nous déliure de toutes ſortes de préjugez, & nous prepare vn chemin tres-facile pour accoûtumer noſtre eſprit à ſe détacher des ſens, & enfin, en ce qu'il fait qu'il n'eſt pas poſſible que nous puiſſions plus auoir aucun doute, de ce que nous découurirons aprés eſtre veritable.

Dans la ſéconde, l'eſprit, qui, vſant de ſa propre liberté, ſuppofe que toutes ſes choſes ne ſont point, de l'exiſtence deſquelles il a le moindre doute, reconnoiſt qu'il eſt abſolument | impoſſible que cependant (2) il n'exiſte pas luy-meſme. Ce qui eſt auſſi d'vne tres-grande vtilité, d'autant que par ce moyen il fait aiſement diſtinction des choſes qui luy appartiennent, c'eſt à dire à la nature intellectuelle, & de celles qui appartiennent au corps. Mais parce qu'il peut arriuer que quel-ques-vns attendent de moy en ce lieu-là des raiſons pour prouuer l'immortalité de l'ame, | j'eſtime les deuoir maintenant auertir, qu'ayant taſché de ne rien eſcrire dans ce traitté, dont ie n'euſſe des demonſtrations tres-exactes, ie me ſuis veu obligé de ſuiure vn ordre ſemblable à celuy dont ſe ſeruent leſ Geometres, ſçauoir eſt, d'auancer toutes les choſes deſquelles dépend la propoſition que l'on cherche, auant que d'en rien conclure.

Or la première & principale choſe qui eſl requiſe, auant que de connoiſtre l'immortalité de l'ame, eſt d'en former vne conception claire

  1. La pagination ne commence, dans la première édition, qu'avec cet Abrégé, qui est la traduction française de la Synopsis (t. VII, p. 12-16). Il figure à la fois dans la première édition et dans la seconde, mais disparaît de la troisième, où il est remplacé par une Table des Articles des Méditations Metaphisiques, œuvre du nouvel éditeur R. F. (René Fédé).