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7 6 OEuvRES DE Descartes.

les fois que nous voudrons examiner la nature de quelque chofe, que Dieu, qui en eft l'Autheur, eft infiny, & que nous fommes entière- ment finis.

25. Et qu'il faut croire tout ce que Dieu a reuelé, encore qu'il foi t au dejjfus de ta portée de no/ire efprit.

Tellement que, s'il nous fait la grâce de nous reueler..., ou bien à quelques autres, des chofes qui furpâfl'ent la portée ordinaire de noltre efprit, telles que font les myfteres de l'Incarnation & de la Trinité, nous ne ferons point difficulté de les croire, encore que nous ne les entendions peut-ejlre pas bien clairement. Car nous ne deuons point trouuer eilrange qu'il y ait en fa nature, qui eft immenfe, & en ce qu'il a fait, beaucoup de chofes qui furpaffent la capacité de noftre efprit.

26. Qu'il ne faut point tafcher de comprendre l'infiny, mais feulement penfer que tout ce en quoi nous ne trouuons aucunes bornes efl indefiny.

Ainfy nous ne nous embarafferons jamais dans les difputes de l'infiny; d'autant qu'il feroit ridicule que nous, qui fommes finis, entreprilTions d'en déterminer quelque chofe, & par ce moyen le fuppofer finy en tafchant de le comprendre. C'eft pourquoy nous ne tg nous foucierons pas de répondre à ceux qui demandent | fi la moi- tié d'vne ligne infinie efl infinie, & fi le nombre infiny elt pair ou non pair, & autres chofes femblables, à caufe qu'il n'y a que ceux qui s'imaginent que leur efprit eft infiny, qui femblent deuoir exa- miner telles difficultés. Et pour nous, en voyant des chofes dans lefquelles, félon certain fens, nous ne remarquons point de limites, nous n'affurerons pas pour cela qu'elles foient infinies, mais nous les eftimerons feulement indéfinies". Ainfi, pource que nous ne fçaurions imaginer vne eftenduë fi grande, que nous ne conceuions en mefme temps qu'il y en peut auoir vne plus grande, nous dirons que l'eftenduë des chofes poffibles eft indéfinie. Et pource qu'on ne fçauroit diuifer vn corps en des parties fi petites, que chacune de ces parties ne puiffe eftre diuifée en d'autres plus petites, nous pen- ferons que la quantité peut eftre diuifée en des parties dont le nombre eft indefiny. Et pource que nous ne fçaurions imaginer tant d'eftoiles, que Dieu n'en puifle créer dauantage, nous fuppoferons que leur nombre eft indefiny & ainfi du refte.

a. Voir Correspondance, t. V, p. 167.

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