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20 Œuvres de Descartes.

��3. Que nous ne deuons point vj'er de ce doute pour la conduite de nos aâions.

Cependant il ejl à remarquer que je n'entends point que nous nous feruions d'vne façon de douter fi générale, finon lors que nous commençons à nous appliquer à la contemplation de la vérité. Car // ejt certain qu'en ce qui regarde la conduite de nofire vie, nous fommes obligez de fuiure bien fouuent des opinions qui ne font que vray-femblables, à caufe que les occafions d'agir en nos affaires fe pafleroient prefque touf-jours, auant que nous puffions nous deli- urer de tous nos doutes. Et lors qu'il s'en rencontre plufieurs de telles fur vn mefme fujet, encore que nous n'apperceuions peut- eflre pas dauantage de vray-femblance aux vnes qu'aux autres, y? l'aâion ne fouffre aucun delay, la raifon veut que nous en choifif- fions vne, & qu'après l'auoir choijïe, nous la fuiuions conjlammeut, de mefme que Jt nous l'auions jugée très-certaine.

4. Pourquojy on peut douter de la vérité des chofes j'enftbles.

Mais, pource que nous n'auons point d'autre deflein maintenant que de vaquer à la recherche de la vérité, nous douterons, en pre- mier lieu, fi de toutes les chofes qui font tom|bées fous nos fens, ou que nous auons jamais imaginées, il y en a quelques-vnes qui foient véritablement dans le monde : tant à caufe que nous fçauons par expérience que nos fens nous ont trompez en plufieurs ren- contres, & qu'il y auroit de l'imprudence de nous trop fier à ceux qui nous ont trompez, quand mefme ce n'auroit elté qu'vne fois ; comm'auffi à caufe que nous fongeons prefque touf-jours en dor- mant, & que pour lors il nous femble que nous fentons viuement & que nous imaginons clairement vne infinité de chofes qui ne font point ailleurs, & que, lors qu'on ell ainfi refolu à douter de tout, il ne refte plus de marque par où on puifl"e fçauoir^? les penjees qui vienent en fonge font plutofî fatiffes que les autres.

5. Pourquoy on peut aujfi douter des demonjîrations de Mathématique.

Nous douterons auffi de toutes les autres chofes qui nous ont femblé autrefois très-certaines, mefme des demonftrations de Ma- thématique &de fes principes, encore que d'eux-mefmes... ils foient affez manifeftes j pource qu'il y a des hommes qui fe font mépris

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