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4?4-436. Sixièmes Réponses. 255

ne le peut conceuoir fans répugnance & contradiction, qu'il y ait des accidens réels, poiirce que tout ce qui efl: réel peut exil^er lepa- renient de tout autre fujet : or ce qui peut ainfi exiller feparement, eft vne fub|rtance, & non point vn accident. Et il ne fert de rien de 375 dire que les accidens réels ne peuuent pas naturellement eflre fe- parez de leurs fujets,mais feulement parla toute-puilTance de Dieu; I car eilre fait naturellement, n'ert rien autre choie qu'eflre fait par la puiffance ordinaire de Dieu, laquelle ne diffère en rien de fa puif- fance extraordinaire, & laquelle, ne mettant rien de nouueau dans les chofes, n'en change point aufli la nature; de forte que, fi tout ce qui peut eftre naturellement fans fujet, eft vne fubftance, tout ce qui peut auffî eftre fans fujet par la puiffance de Dieu, tant extraordi- naire qu'elle puiffe eftre, doit aulïi eftre apelé du nom de fubftance. l'auouë bien, à la vérité, qu'vne fubftance peut eftre apliquée à vne autre fubftance; mais, quand cela arriue, ce n'eft pas la fubftance qui prend la forme d'vn accident, c'eft le feul mode ou la façon dont cela arriue : par exemple, quand vn habit eft apliqué iur vn homme, ce n'eft pas l'habit, mais ejîre habillé, qui eft vn accident. Et pource que la principale raifon qui a meu les Philofophes à établir des accidens réels, a efté qu'ils ont crû que fans eux on ne pouuoit pas expliquer comment fe font les perceptions de nos fens, i'ay promis d'expliquer par le menu, en écriuant de la Phyfique, la façon dont chacun de nos fens eft touché par fes objets; non que ie veuille qu'en cela, ny en aucune autre chofe, on s'en raporte à mes paroles, mais parce que i'ay crû que ce que i'auois expliqué de la veuë, dans ma Dioptrique, pou|uoit feruir de preuue fuffifante de ce que ie puis 376 dans le refte.

8. Quand on confidere attentiuement l'immenfité de Dieu, on Void manifeftement qu'il eft impoflible qu'il y ait rien qui ne dé- pende de luy, non feulement de tout ce qui fubfifte, mais encore qu'il n'y a ordre, ny loy, ny raifon de bonté & de. vérité qui n'en dépende ; autrement (comme ie difois vn peu auparauant), il n'auroit pas efté tout afîait indiffèrent à créer les chofes qu'il a créées. Car fi quelque raifon ou aparence de bonté euft précédé fa preordination, elle l'euft fans doute déterminé à faire ce qui auroit efté de meilleur. Mais, tout au contraire, parce qu'il s'eft déterminé à faire les chofes | qui font au monde, pour cette raifon, comme il eft dit en la Genefe, elles font très-bonnes, c'eft à dire que la raifon de leur bonté dépend de ce qu'il les a ainfi voulu faire. Et il n'eft pas befoin de demander en quel genre de caufe cette bonté, ny toutes les autres veritez, tant Mathématiques que Metaphyfiques,

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