Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, IX.djvu/260

Cette page n’a pas encore été corrigée

2^4 OEuvREs DE Descartes. 433-4?4,

la claire & diftincte connoilTance d'vne choie nous poufle & nous engage à la recherche.

7. le ne conçoy point la fuperficie par laquelle i'eftime que nos fens font touchez, autrement que les Mathématiciens ou Philo- fophes conçoiuent ordinairement, ou du moins doiuent conceuoir, celle qu'ils diftinguent du corps & qu'ils fuppofent n'auoir point de profondeur. Mais le nom de fuperficie fe prend en deux façons par les Mathématiciens : à fçauoir,-ou pour le corps dont on ne confi- dere que la feule longueur & largeur, fans s'arrefter du tout à la profondeur, quoy qu'on ne nie pas qu'il en ait quelqu'vne; ou il elt pris feulement pour vn mode du corps, & pour lors toute profondeur lui eft déniée. C'eft pourquoy, pour euiter toute forte d'ambiguitc, i'ay dit que ie parlois de cette fuper- ficie, laquelle, eftant feulement vn mode, ne peut pas eftre partie du corps; car le corps eft vne fubftance dont le mode ne peut eftre partie. Mais ie n'ay iamais nié qu'elle fuft le terme du corps; au contraire, ie croy qu'elle peut fort proprement eftre apelée l'extré- mité, tant du corps contenu que de celuy qui contient, au fens que l'on dit que les corps contigus font ceux dont les extremitez | font enfemble. Car, de vray, quand deux corps fe touchent mutuelle- ment, ils n'ont enfemble qu'vne mefme extrémité, qui n'eft point partie de l'vn ny de l'autre, mais qui eft le mefme mode de tous les 374 deux, | & qui demeurera toufiours le mefme, quoy que ces deux corps foient oftez, pourueu feulement qu'on en fubftituë d'autres en leur place, qui foient precifement de la mefme grandeur & Igure. Et mefme ce lieu, qui eft apellé par les Peripateticiens la fuperficie du corps qui enuironne, ne peut eftre conceu eftre vne autre fuper- ficie, que celle qui n'eft point vne fubftance, mais vn mode. Car on ne dit point que le lieu d'vne tour foit changé, quoy que l'air qui l'enuironne le foit, ou qu'on fubftituë vn autre corps en la place de la tour; & partant la fuperficie, qui eft icy prife pour le lieu, n'eft point partie de la tour, ny de l'air qui l'enuironne. Mais, pour ré- futer entièrement l'opinion de ceux qui admettent des accidens réels, il me femble qu'il n'eft pas befoin que ie produife d'autres raifons que celles que i'ay des-ja auancées. Car, premièrement, puifque nul fentiment ne fe fait fans contaél, rien ne peut eftre fenty que la fuperficie des corps. Or, s'il y a des accidens réels, ils doiuent eftre quelque chofe de différent de cette fuperficie, qui n'eft autre chofe qu'vn mode. Doncques, s'il yen a, ils ne peuuent eftre fentis. Mais qui a iamais penfé qu'il y en euft, que parce qu'il a crû qu'ils eftoient fentis? De plus, c'eft vne chofe entièrement impoflible &qui

�� �